J’adore les crossovers. Dans le cas de ce recueil, c’est l’occasion pour les amateurs de BD de s’arrêter sur le travail colossal des dessinateurs. Parfois, et même si je m’astreins à ne pas le faire, je me surprends à tourner rapidement les pages afin de connaître la suite de l’histoire sans avoir pris le temps de m’arrêter et d’observer le travail des dessinateurs. Ici, un paysage, là un gros plan d’un visage à l’expression exacerbée, un peu plus loin, un cadrage audacieux faisant ressortir d’admirables perspectives. Si on ne remarque pas toutes ces choses au premier abord, c’est normal et c’est bon signe. Le dessins, les cadrages et toutes les techniques narratives liées aux images sont avant tout là pour servir l’histoire. Si on ne les remarque pas mais que l’on est pris par l’histoire, le pari est gagné. Proposer un recueil sans histoire libère le dessin de ses contraintes narrative, laisse au dessinateur tout le loisir de s’exprimer et de présenter son travail. C’est aussi l’occasion pour les autres - ceux qui ne connaissent pas bien l’univers de la BD – d’entrer par cette porte dans ce monde riche et varié. Ils découvriront peut-être, grâce à ce type d’ouvrage la fabuleuse diversité des genres et des techniques proposés aujourd’hui dans la bande dessinée.

Je connaissais Nicolas Keramidas pour son travail sur Luuna. Je me rappelle très bien avoir été séduit par les dessins au style très “cartoon” qui m’avait fait penser à du Walt Disney. Le premier tome de la série m’avait également surpris par le traitement des couleurs dans lequel l’utilisation de l’informatique était clairement assumée. Plus récemment, j’ai retrouvé avec plaisir Nicolas Keramidas dans une série à laquelle ont déjà pris part de nombreux dessinateurs de talent : Donjon. Le travail réalisé sur Le grimoire de l’inventeur est particulièrement réussi. La gaité et l’humour se dégageant naturellement des dessins de l’auteur servent particulièrement bien le récit et s’accordent parfaitement avec l’univers et les personnages de Donjon. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai abordé la lecture de ce journal. Ca commence bien par une superbe illustration de couverture revisitant le célèbre triple autoportrait de Norman Rockwell. Le ton est donné, nous sommes dans le registre de l’humour, l’auteur affiche clairement ses références: Star Wars, le Ché, Batman, etc. Si Norman Rockwell avait choisi délibérément de se représenter différent de son reflet dans la glace, Nicolas Keramidas se représente sur les trois autoportraits sous les traits de son personnage de Cochon. Ce personnage sera d’ailleurs le fil rouge de ce journal et sera ainsi présent dans une grande majorité des dessins. Difficile d’appréhender ce livre dans sa globalité et de prendre du recul sur le résultat d’un an de travail lorsque l’on est immergé dans chaque dessin. Les thèmes abordés sont très divers mais on retrouve souvent des références au Cinéma, à la musique, au sport, à son travail et au monde de la BD tout cela ponctué de paysages et de portraits. Bref, il dépeint son quotidien et nous en donne sa vision au travers de simple dessins parfois agrémentés de texte, plus rarement il met en scène de courtes histoires.

C’est assez original pour le souligner, ce carnet de dessins est également disponible sous la forme d’une application iPhone. Le site de gadget Gizmodo en parle ici. Je n’ai pas testé personnellement cette application, mais il paraît que le rendu est très satisfaisant. Peut-être que Nicolas dessinera bientôt directement sur son iPhone / iPad grâce à une application comme Brushes. Je pense qu’il pourrait faire des merveilles car les videos d’utilisation de Brushes sont impressionnantes. Ce n’est pas impossible car entre cette application et son blog Nicolas ne cache pas vraiment son côté Geek ! C’est donc un livre à conserver à portée de main afin de pouvoir en feuilleter quelques pages au gré de ses envies. Bien que sous cet angle, la taille du livre soit intéressante, je regrette que le format soit un peu petit (plus petit qu’un livre de poche) pour bien profiter des dessins.

Je remercie les éditions Soleil ainsi que Babelio de m’avoir fait parvenir ce livre dans le cadre du programme Masse critique.


Nicolas Keramidas, 1 an - 365 dessins, Soleil, 2010, 365 p, Amazon.