En territoire ennemi
Dans ce récit autobiographique Carole Lobel raconte le mécanisme de l’emprise. Elle revient sur sa relation de jeunesse qui s’est peu à peu transformée pour devenir toxique – et encore, le mot est faible. Pourtant, il y a des signes. Comme si, masqué par le volume sonore de l’orchestre, un tout petit violon se trouve désaccordé. L’autrice qui, si l’on en croit son récit a déjà publié des livres jeunesse, écrit sous pseudonyme – elle a peut-être emprunté le patronyme d’Arnold Lobel puisque lui aussi était dessinateur et auteur jeunesse – et on comprend pourquoi tant ce qu’elle raconte est dur pour elle, mais aussi pour sa famille. La connotation guerrière du titre est tout à fait à propos. ...
Tor
Tor est un tout petit village de montagne situé non loin de la principauté d’Andorre, dans les Pyrénées Catalanes. Souvent dans les petits villages l’ambiance ne correspond pas à l’image de carte postale, les tensions, les fâcheries et les disputes sont monnaie courante et perdurent parfois sur des générations. Mais ici les conflits ont pris une toute autre ampleur puisqu’il y a eu des morts. Une équipe de télévision se rend sur place pour mener l’enquête sur ce sinistre village et se fait happer par son sujet. Elle se retrouve vite à mener une enquête qui n’est pas sans risque. Le livre raconte l’histoire du tournage de ce reportage qui est relativement intéressante. Le bémol est que l’on n’est pas du tout dans le journalisme littéraire, la narration est poussive et même parfois peu claire. ...
Boule de feu
Je ne suis pas contre l’humour absurde ou loufoque. J’ai par exemple bien aimé un livre comme Zone de Crise de Simon Hanselmann et j’ai même trouvé que le Animan d’Anouk Ricard était assez rigolo – le mais va venir. Mais là je n’ai pas vu l’intérêt, il s’agit d’une histoire d’heroic fantasy très basique au second degré. Mais on est loin de Donjon, je n’ai même pas souri une seule fois et je n’ai globalement pas vu l’intérêt – ou je n’ai pas compris la subtilité. La seule chose qui a retenu mon attention est l’utilisation de photographies comme fond, ce n’est pas une mauvaise idée, ça donne un côté roman photo kitsch du plus bel effet. ...
La guerre par d'autres moyens
La politique, c’est la guerre continuée par d’autres moyens. C’est à cette citation de Clausewitz que Karine Tuil a emprunté le titre de son dernier livre. Il mêle politique et cinéma post MeToo. Ce sont des sujets qu’elle aborde régulièrement et elle est plutôt à l’aise dans ce domaine. Sur le plan technique, il faut souligner la présence d’une narratrice qui fait partie de l’histoire et qui parle, lorsqu’elle est concernée, à la première personne du singulier. Le roman est prenant, clair et intéressant, elle maîtrise son sujet. Elle fait du roman, difficile donc de lui reprocher que ses livres sont trop romancés. Rien à dire donc, enfin presque, l’histoire est parfois cousue de fil blanc et les personnages stéréotypés, mais ça fait partie du genre et c’est le peut-être le prix à payer pour écrire un roman qui reste facile d’accès. ...
L'accident de chasse
Je classe L’accident de chasse dans le club des très grandes bandes dessinées, je vais en citer quelques-unes pour donner une idée: L’Ascension du Haut Mal, Fun Home, Moi ce que j’aime, c’est les monstres, Asterios Polyp ou bien encore Maus. Pour faire partie de ce panthéon il faut un fond solide allié à une forme remarquable. Le fond est ici une histoire à tiroirs basée sur la vie du père et du fils Rizzo que l’auteur David Carlson a rencontré. L’histoire du père est connectée à celle, moins connue en France qu’aux États-Unis, de Leopold & Loeb que j’avais découvert – il y a très longtemps – en lisant le très bon livre Crime de Meyer Levin. L’auteur nous offre donc également l’occasion de revenir sur ces évènements sous un angle différent. ...
La Fin de l'homme rouge
Nous avons passé toute notre histoire à survivre, et non à vivre. Ce livre contient tous les malheurs et toutes les horreurs du monde, une boîte de Pandore qui aurait été ouverte à l’est de l’Europe. La lecture est éprouvante – parfois insoutenable –, on a du mal à réaliser, une souffrance d’un tel niveau paraît incroyable, impensable. Pour l’écrire, Svetlana Alexievich a interrogé la population et retranscrit ces entretiens. Le procédé ressemble à celui utilisé par Jean Hatzfeld pour relater les atrocité commises durant le génocide rwandais. C’est passionnant de lire toutes ces voix, ces mémoires qui s’expriment. Le choix des témoins est particulièrement important pour offrir une vision objective. ...
Les hommes manquent de courage
C’est ma mère qui avait insisté pour m’appeler Jessie. Elle ne s’était pas dit que ça ferait américaine, ou esthéticienne, ou candidate de télé-réalité. Elle trouvait ça joli. Je suis professeure de mathématiques. Mathieu Palain nous raconte l’histoire – a priori vraie – de Jessie – son nom a été modifié pour ne pas qu’on la reconnaisse. On sent bien que l’histoire est romancée et il est d’ailleurs écrit “roman” sur la couverture, mais à la fois, comme il le dit lui-même, elle ne peut qu’être vraie – sinon elle serait invraisemblable. ...
Atome 33
L’élément chimique de numéro atomique 33 est l’arsenic. Dans la ville de Rouyn-Noranda une étude réalisée sur une population d’enfants a révélé chez eux un taux d’arsenic bien supérieur à la moyenne. Cette matière est tellement toxique que son nom est devenu synonyme de poison. Il n’a pas fallu longtemps pour désigner la coupable, la fonderie Horne dont les cheminées surplombent la ville. Les habitants s’engagent alors dans un combat du pot de terre contre le pot de fer. ...
Triste tigre
Difficile de parler de ce livre. Neige Sinno raconte les viols répétés quel a subi dans son enfance pendant des années. Son bourreau vivait sous le même toit, il pouvait sévir à tout moment, c’était son beau-père. Même moi, qui ai vu cela de très près, du plus près qu’on puisse le voir et qui me suis interrogée pendant des années sur le sujet, je ne comprends toujours pas. Elle raconte dans le détail, c’est assez difficile à lire, souvent très cru, mais nécessaire pour se rendre compte de l’horreur. Malgré la condamnation on sent encore énormément de colère, elle le dit, il aurait dû se suicider, la prison qui permet de s’acquitter d’une dette n’est pas adaptée, ce type de dette ne se rembourse pas. En plus de tout ce qu’elle a subi dans sa chair, la souffrance psychologique vécue par la petite fille qui ne parle pas de peur de faire exploser sa famille est affreuse. Dans le cas de son beau-père, la volonté de domination et de soumission est au moins aussi présente que la perversité sexuelle – peut-être est-ce souvent le cas ? Elle parle de sa mère, mais pas autant que je m’y attendais, car la mère est dans une position très délicate. C’était l’autre adulte de la famille, celle qui avait choisi d’aller, avec ses enfants, vivre avec cet homme. ...
Idéal
Les intelligences artificielles humanoïdes – les androïdes pour le dire simplement – sont partout sauf sur une petite île du Japon où vit un couple. Le temps ne semble pas avoir eu de prise sur ce refuge, mais il en a eu sur le couple qui y vit. Les années ont passé et l’amour s’est fané. Voilà comment se forment les perles. Elles sont des blessures enveloppées de douceur et de beauté et il en est de même, pour certaines oeuvres. ...
Qui a tué mon père
Pendant toute mon enfance j’ai espéré ton absence. Après le fils, Edouard Louis, dans En finir avec Eddy Bellegueule, le frère dans L’effondrement, la mère dans Combats et métamorphoses d’une femme et Monique s’évade, je demande le père. Le livre est très court et ressemble à une longue lettre que l’auteur adresse à son père suivie d’une sorte de pamphlet politique – il me semble que c’est la première fois qu’il s’aventure sur ce terrain. Cette dernière partie est assez faible et vient conclure son analyse sans appel – d’ailleurs le titre ne comporte pas de points d’interrogation. C’est la fatalité qui a tué son père, une prédétermination, via sa classe sociale, à vivre cette vie et à mourir de cette façon. ...
Le Voyage dans l'Est
J’ai écouté l’interview donné par Christine Angot à la matinale de France Culture pour parler de son dernier livre, La nuit sur commande. Je l’ai trouvée tellement à fleur de peau, tellement écrivaine que j’ai eu envie de la lire – le journaliste Guillaume Erner a même convoqué Duras et Yourcenar. J’avoue que son sujet, l’inceste, m’a toujours tenu à distance de son oeuvre, je n’avais pas vraiment envie de me plonger dans de telles histoires surtout lorsque ce ne sont pas des histoires, mais des faits – quel romancier inventerait une chose pareille. Mais j’avais envie de découvrir l’écrivaine et j’ai choisi Le Voyage dans l’Est. ...
Toronto
Je suis redevable aux éditions P.O.L de m’avoir donné l’opportunité de rattraper, de façon tout à fait honorable, des années de lacunes sur les frasques de Johnny Depp et Amber Heard, fâcheuses conséquences d’un manque d’assiduité évident dans lecture de la presse people. Ils remâchaient ad nauseam une dispute qu’ils avaient eue à Toronto, parlaient de gens dont je ne savais rien. Le livre ressemble à un épais dossier assez fouillis, il contient des retranscriptions de conversations, des SMS, des déclarations, des comptes rendus de procès, des interviews. Je laisse la parole à Élisabeth Benoit qui en parle bien mieux que moi – j’ai du tronquer la phrase qui doit à peine tenir sur une page. ...
Demon Slayer 6
Je n’avais pas été vraiment emballé par la lecture des trois premiers tomes de Demon Slayer, mais, sur les conseils d’un ami qui m’a gentiment prêté la suite, je me suis laissé convaincre de donner une deuxième chance à cette série dont le succès n’est plus à prouver. Ce sixième tome est une sorte de respiration, les jeunes chasseurs de démons prennent quelques jours de repos et en profitent pour s’entraîner. Cette séquence m’a rappelé avec beaucoup de nostalgie les moments où Son Goku est ses amis (les héros de Dragon Ball) se retrouvaient dans des lieux magiques pour parfaire leurs techniques de combat. La série prenant de l’ampleur, de nouveaux personnages apparaissent et notamment – ceux que je préfère – les piliers qui sont les chasseurs de démons les plus puissants et leurs alter ego démoniaques, les lunes (démoniaques). Le scénario s’étoffe donc et donne plus de profondeur à la série – je rassure les amateurs, les démons sont toujours aussi dégoûtants. ...
Arcadie
J’ai été tellement séduit par l’écriture de La Treizième Heure, tellement étonné par une telle originalité que j’ai décidé de lire cet autre roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam. Je savais où je mettais les pieds et je n’ai donc pas été surpris de retrouver de nombreuses similitudes. Pour être honnête, je l’ai quand même été car la ressemblance est grande. Les romans se déroulent au sein de ce qu’il convient d’appeler une secte qui rassemble disons des non-conformistes – c’est un doux euphémisme – dirigée par un homme – un gourou, appelons les choses par leur nom. Au sein de cette communauté l’un des personnages principaux prénommé(e) Farah a la particularité d’être intersexué(e), c’est-à-dire qu’elle ou il se trouve à la frontière entre homme et femme, en quête d’identité. Les similitudes s’arrêtent là et les histoires sont tout de même bien différentes. ...
Alyte
Alyte signifie: “Qui ne peut être délié”. C’est un très beau nom. Une belle fable écologique est la bienvenue par les temps qui courent et nous pouvons remercier Jérémie Moreau pour cela. On sait depuis Les Pizzlis que cette thématique lui tient à coeur – et il a bien raison car nous sommes tous concernés – et, armé de ses crayons, il apporte sa pierre à l’édifice pour faire bouger les consciences. Dans cette BD, on suit le parcours d’un crapaud (alyte) accoucheur – un digne représentant de la gent masculine puisqu’il a la particularité de porter les oeufs – confronté à la dure loi de la nature. ...
L'Aliéniste
L’aliéniste emprunte beaucoup à Sherlock Holmes à commencer par la narration qui est prise en charge par un personnage participant à l’enquête qui n’est pas médecin, mais journaliste. L’autre grande source d’inspiration est Jack L’Éventreur, tueur bien réel lui et qui a donné lieu à une abondante littérature au premier rang de laquelle on trouve l’un des chef d’oeuvre d’Alan Moore, From Hell. Ces deux références sont parfaitement assumées puisque l’auteur en fait mention par le truchement de son narrateur. S’ajoute à cela des moyens d’enquête modernes basés sur la psychologie (profilage) et la science (police scientifique). Les évènements se déroulent dans le New York de la fin du 19ème siècle, peu après ceux de Jack L’Éventreur, alors que Théodore Roosevelt est à la tête de la police et l’enquête est confiée à un groupe pluridisciplinaire qui opère en marge des standards de la police. ...
Le chien gardien d'étoiles
Le chien est le meilleur ami de l’homme et il vrai que la fidélité sans faille qu’il voue à son maître, sa loyauté en fait un témoin privilégié de la vie des hommes. C’est le fil rouge – et même un peu plus que ça – de cette série de Takashi Murakami dont les volumes sont ici regroupés en intégrale. Ce que l’on pourrait prendre au début pour une suite de nouvelles est en fait un ensemble cohérent intelligemment connecté. Mais si les chiens en constituent la colonne vertébrale, ces histoires ne parlent pas tant d’eux que de leur maître. Ils sont les compagnons d’infortune d’hommes et de femmes qui traversent des moments difficiles au sein d’une société qui n’est pas tendre avec les faibles. Cet amour inconditionnel que le chien porte à son maître contraste avec le regard de la société qui juge, qui discrimine et qui peut exclure du jour au lendemain – ce que l’on appelle le déclassement. Pour le chien, même dans la difficulté, le maître est un dieu, il incarne la perfection, un idéal qui ne sera jamais égalé, son estime reste la même. Il est ainsi un compagnon fidèle pour ceux qui souffrent. ...
Combats et métamorphoses d'une femme
J’ai commis l’erreur de lire d’abord Monique s’évade dont les évènements se déroulent chronologiquement après ceux de ce livre. Dans ce premier tome des évasions de Monique, la mère d’Edouard Louis, son fils nous raconte – et parle aussi à sa mère – des bribes de sa vie difficile d’avant – la partie combat –, la façon dont elle est enfin parvenue à s’émanciper d’un mari alcoolique et toxique – combat toujours – et enfin son épanouissement et sa transformation – la partie métamorphose – dans sa nouvelle vie. ...
Dress of illusional monster T1
Ici nous n’utilisons que des matières premières d’exception pour confectionner vos vêtements à la main et sur mesure: peau de dragon, écaille de sirène ou encore poudre de corne de licorne. Chaque pièce est unique, confectionnée avec soin et garantie à vie. Les mangas sont connus pour proposer des sujets d’une variété exceptionnelle, en voici un nouvel exemple. Une jeune fille reprend l’atelier de couture de sa grand-mère au sein d’un univers fantastique. C’est une idée rafraichissante qui a le bon goût de mettre en avant l’artisanat et la durabilité à l’opposé de la fast fashion. La qualité des dessins est haut dessus du lot et chaque créature fantastique bénéficie d’une fiche descriptive – le genre de truc que j’adore. Une lecture très agréable. ...