En ouvrant ce Video games, j’étais parti pour lire quelques pages par curiosité et abandonner la lecture, convaincu par avance que ce livre était une imposture, un édifice à la gloire du marketing conçu pour occuper l’esprit tourmenté de trentenaires dépressifs et nostalgiques de leur jeunes années. J’ai donc lu le premier chapitre, qui est une allégorie du capitalisme à base de Pac-Man, et j’ai eu envie de lire la suite. Même si le propos est vraiment tiré par les cheveux, je l’ai trouvé assez intéressant.

Puis, en avançant dans la lecture, je suis tombé sur un passage que j’ai trouvé un peu moyen.

Si l’on juge uniquement en termes de matière première, en tenant compte du fait que les Polonaises ont moins accès à l’élégance et à la haute couture, Varsovie est au même niveau que Paris et Milan pour ce qui est du nombre de belles filles par habitant, ce qui, étant donné l’histoire du pays et la proportion de sa population jeune/intelligente/capable qui a péri sous le coup des épées/pistolets/bombes des Prussiens/Allemands/Russes au cours des 250 dernières années, est un miracle aussi remarquable que la multiplication des pains et des poissons par Jésus.

Puis un autre.

Il m’a un jour expliqué avec une once de fierté qu’elle en pinçait pour lui parce qu’il mettait en avant son côté juif, son côté « peuple opprimé », capitalisant sur la longue histoire de l’antisémitisme en Pologne. Il a admis avoir piqué ce stratagème aux Noirs qu’il avait connus et qui s’étaient tapés des dizaines de filles blanches de banlieue dans son école d’art libérale de la côte Est – il portait d’ailleurs souvent une casquette rasta en laine pour leur rendre secrètement hommage.

C’est pas que je n’ai pas d’humour, mais quand même. Refroidi par ces passages, j’ai poursuivi ma lecture avec bien moins d’entrain et de complaisance. Passé les 50 premières pages, la lourdeur de ce style fait uniquement d’un humour de stand-up a fait son oeuvre, j’en ai eu assez — le stand-up ça va bien 10 minutes et sur scène. Le roman a perdu de son intérêt pour moi. Tout s’est effondré d´un coup, je n’ai plus cru à l’histoire et j’ai décidé d’arrêter de perdre mon temps. En fait, mon a priori était juste. J’assume mon âge et refuse de me refugier dans une nostalgie pixelisée et fantasmée.


D. B. Weiss, Video games, traduit par Fabrice Pointeau, Sonatine, 2012, 358 p, Amazon.