Pour moi Freedom est l’archétype du roman américain moderne. Ce n’est pas un hasard puisque Jonathan Franzen est un des plus grands représentant de cette littérature. Il dépeint dans ses livres de larges fresques représentant la société actuelle, celle qu’il connaît, il décrit le monde dans lequel il vit et c’est ce que les écrivains ont toujours fait de mieux. Si le roman du mariage, d’un autre grand écrivain américain Jeffrey Eugenides, contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre est plus un campus novel qu’un wedding novel, Freedom est par contre un modèle du genre. Ce néologisme doublé d’un anglicisme n’est pas très élégant, mais se révèle bien pratique pour qualifier des romans dont le sujet n’est pas tant le mariage en lui-même – heureusement, la réalité ce suffit à elle-même dans ce registre –, que le couple ainsi sacralisé, puis la famille qu’il va s’efforcer de constituer pour se diriger tout doucement, mais surement vers un lent déclin. Il se fait l’observateur de ce phénomène – physiologique et / ou culturel – qui pousse les hommes et les femmes à se rassembler pour ne faire qu’un. Mettre de côté – ou au moins niveler – pour un temps sa personnalité, ses envies pour se consacrer d’abord à l’être aimé puis à ses enfants. On a l’habitude d’opposer le mariage d’amour au mariage de raison, il donnera sur cette question également quelques éclairages.

L’objet de cette chronique, le sujet d’observation est la famille Berglund, Patty et Walter leur fils Joey et leur fille Jessica – parfait deux enfants un garçon et une fille. J’oubliais, l’ami de la famille Richard, un rocker qui jouera un rôle prépondérant dans l’histoire. Je vous laisse imaginer à partir de cette description très succincte d’une famille américaine relativement aisée tout ce qu’il peut se passer. Le secret du bonheur pourrait bien se cacher dans le titre du livre – ou pas.

Au début on se croirait dans une sorte de Desperate Housewives puis – fort heureusement – on s’aperçoit que ce n’est pas ça et on prend conscience du talent de l’écrivain. Sa façon de décrire les évènements en conjuguant humour et perspicacité, la chronologie qu’il emploie, les allers-retours entre les différents protagonistes sont parfaitement maîtrisés et rendent la lecture passionnante. Même si elles sont bien là, on ne voit jamais les ficelles. C’est pour ces raisons que je faisais référence au talent de certains auteurs américains dont on reconnaît le style dès les premières lignes. Je trouve qu’il(s) parvien(nen)t à écrire des livres à la fois subtils et grand public – je suis d’ailleurs impatient de lire d’autres livres de Franzen et Eugenides. Certains reprochent à ce livre quelques longueurs – plus de 700 pages quand même –, mais je ne suis pas de cet avis. Quand c’est bien fait comme ici, plus c’est long, plus c’est bon.

P.-S.: Pourquoi me direz-vous y a-t-il des oiseaux en couverture ? Il s’avère que Franzen est un grand amateur de ces animaux et qu’ils sont un des fils rouges de ce livre.


Jonathan Franzen, Freedom, traduit par Anne Wicke, L’Olivier, 2011, 720 p, Amazon.