Commençons par une clarification. Puisque je travaille dans ce domaine, je peux en parler. Le sous-titre choisi par l’éditeur français, Ça et Là, Le Big Data et nous ne me semble pas approprié. Ce livre traite de la collecte et de l’utilisation des données personnelles. Le Big Data n’est qu’un moyen. Un ensemble de technologies permettant de stocker et de traiter de très gros volumes de données. Il ne présume donc en rien de la nature des données qu’il permet de manipuler. Il peut s’agir en effet de données personnelles, mais aussi de données techniques comme celles issues des usines par exemple. L’objectif ne sera pas alors d’explorer – ou d’espionner – la vie des gens, mais d’améliorer la qualité des pièces produites.

Les titres originaux n’ont d’ailleurs rien à voir – je dis les car la BD est en fait découpée en un long document et un plus court qui ressemble à une anecdote – sont Terms of Service et Fare Game ce qui n’a rien à voir. Une traduction littérale aurait été plus appropriée puisqu’il s’agit du droit que l’utilisateur octroie – souvent à son insu – aux entreprises dont il utilise les services d’exploiter ses données personnelles – une sorte d’échange de bon procédés en somme. Au premier rang desquels on retrouve Google et son application Gmail – il y en a bien d’autres, mais c’est la première à avoir fait parler d’elle et il en est question dans ce livre. Pourquoi croyez-vous que Google “offre” une boîte mail accompagné d’une capacité de stockage importante à toute personne la demandant ? Parce qu’ils sont juste cools et sympas chez Google et oeuvrent gratuitement pour le bonheur de l’humanité. Certainement, mais au passage ils en profitent pour analyser le contenu de vos messages. Ceux que vous envoyez, mais aussi ceux que vous recevez – à l’insu de l’émetteur – pour vous proposer des publicités ciblées. Cette question a donné lieu à une affaire aux États-Unis qui n’a pas eu de suite. Il en va de même avec Facebook qui vous permet de communiquer gratuitement sur des sujets ultra importants tout en se nourrissant tel un animal symbiotique – ou un parasite – de tout ce que vous produisez. Alors imaginez un peu ce que connait de vous le moteur de recherche Google. Comme dans un confessionnal il le fait par l’entremise d’une petite fenêtre de saisie à laquelle vous confiez toutes vos questions, vos envies, vos peurs ou vos secrets. Même votre mère, vos meilleurs amis ou votre médecin n’en savent pas autant sur vous tout simplement car il est tout cela à la fois.

Ce problème se matérialise sous une nouvelle forme lorsque l’utilisation de ces données ne se fait pas à votre insu. Lorsque l’on vous propose de vous récompenser en échange. Par exemple en diminuant vos primes d’assurance si vous conduisez prudemment ou si vous pouvez justifier d’une hygiène de vie irréprochable. Dans ce cas, un nouveau problème se pose.

Si le coût de chaque assurance individuelle était calculé au cas par cas, précisément on anéantirait l’idée de mutualisation des risques. Et on n’a jamais vécu dans ce monde-là. Je pense que ça nous ferait un drôle d’effet.

Le livre le montre bien, nous y allons tout droit puisque ces informations commencent à être transmises par les objets qui nous entourent: téléphone, voiture, bracelet électronique, etc. Les objets connectés se chargent de transmettre les données pour nous, plus besoin de les saisir.

Le deuxième court document, Fare Game, traite d’un autre sujet intéressant et qui prend de plus en plus d’importance: L’économie de l’évaluation. Il s’agit de l’importance des évaluations effectuées par les utilisateurs. Elles se trouvent désormais dans plusieurs secteurs économiques au coeur du système: les chauffeurs de taxi Uber (c’est l’exemple qui est choisi ici), les restaurants, les hôtels et finalement a peu près tout ce qui peut être sélectionné et noté par un public. Ces pratiques peuvent conduire à des dérives comme les fausses évaluations ou à des pressions en cas de mauvaises évaluations.

C’est une belle initiative de l’éditeur de rendre cet ouvrage accessible aux lecteurs français. Ce document du journaliste Michael Keller et du dessinateur Josh Nefeld met sur la table des questions de société importantes et nous incite à ouvrir les yeux, à prendre un pas de recul et à réfléchir – à quoi ?.


Josh Neufeld & Michael Keller, Dans l’ombre de la peur: Le Big Data et nous, traduit par Fanny Soubiran, Editions ça et là, 2017, 54 p, Amazon.