Céline Minard est coutumière des livres originaux. J’avais pour la première fois entendu parler d’elle lorsqu’elle avait publié Bastard Battle1, un roman médiéval écrit en ancien français qui puisait également son inspiration dans le monde des samouraïs. Avant cela, elle avait écrit Le Dernier Monde2 un roman de SF imaginant le destin du dernier survivant de l’espèce humaine. Mais c’est surtout avec Faillir être flingué3 qu’elle s’est fait connaître du grand public notamment par le biais d’une critique élogieuse. Dans ce roman au titre qui sonne elle explore cette fois l’univers du Western. Plutôt amateur d’originalité, je l’avais dans le viseur et lorsque j’ai mis la main sur Le grand jeu, je me suis dit que c’était une bonne occasion.

Il faut dire que j’apprécie tout particulièrement les récits des grands solitaires (ermites), puisque c’est bien de cela qu’il semble s’agir – le titre est un jeu / je de mots. Qui n’a pas rêvé de se retrouver – au moins pour un temps – seul au monde, coupé du bordel ambiant. C’est une idée qui m’a traversé l’esprit, mais que je n’ai jamais expérimenté sauf par procuration en lisant différents récits sur ce thème: Indian Creek, Dans les forêts de Sibérie et Winter.

Ici il ne s’agit pas d’un récit, mais d’un roman et la différence est importante. Si un récit peut au pire être dénué d’intérêt, il conserve toujours une valeur de témoignage – même ennuyeux. Un roman se doit malheureusement de raconter une histoire qui sort de l’ordinaire. Il semble en effet dur de faire avaler à un éditeur que l’on va se contenter d’écrire un roman faisant uniquement le récit d’un quotidien fictif. Et c’est justement sur cet écueil qu’elle trébuche. J’aimais bien l’idée d’une vie en autarcie dans une cabane high-tech. Des journée bien occupées à entretenir un potager parfois égaillée par la découverte d’un objet incongru comme une baignoire. Céline Minard était parvenue à me faire croire à cette histoire, à construire un récit de toute pièce. Mais c’est en introduisant une intrigue qu’elle a, en suivant les codes du roman, décrédibilisé son récit et fait effondrer tout l’édifice. Parfois la réalité vaut mieux que la fiction.


Céline Minard, Le grand jeu, Rivages, 2016, 192 p, Amazon.


  1. Céline Minard, Bastard Battle, Tristram, 2013, 128 p, Amazon↩︎

  2. Céline Minard, Le Dernier Monde, Denoël, 2007, 528 p, Amazon↩︎

  3. Céline Minard, Faillir être flingué, Rivages, 2013, 336 p, Amazon↩︎