Ce livre est un régal. Tout d’abord la prose est fluide et aérée, le texte est facile à lire tout en étant bien écrit. Le récit est bien mené, tout s’enchaîne naturellement à tel point que j’ai eu du mal à le poser. Bref, un travail de journaliste talentueux, un journaliste qui sait bien raconter des histoires sans toutefois forcer son talent. Et l’histoire en question, bien que centrée sur le personnage énigmatique et charismatique de Marie-France Garaud, est celle de la toute jeune Ve République vue depuis les bureaux de l’Élysée et de Matignon.
Marie-France Garaud, elle, n’apparaît pas à l’image. La conseillère préfère se tenir loin des caméras. La plus grande force du diable, c’est de faire croire qu’il n’existe pas.
La conseillère est le fil rouge, mais en suivant son long parcours, on passe des moments aux côtés de nos anciens président de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand et Chirac. Mais nous découvrons aussi quelques inconnus du grand public dont le plus marquant est sans conteste l’alter ego de Marie-France Garaud, celui avec qui elle forme un duo inséparable, Pierre Juillet. Dans ce couple professionnel Marie-France est aussi volubile qu’il est taciturne, aussi mondaine qu’il est solitaire – il se réfugie dans sa creuse natale dès qu’il le peut. Il est le stratège qui échafaude les plans et elle se charge de les mettre en oeuvre avec diligence et efficacité. Lorsqu’il lâche enfin sa bouffarde pour prendre la parole, il se montre volontiers tranchant et sarcastique. J’ai adoré cette anecdote, lorsque Jacques Chirac remercie son duo de conseillers de l’avoir mené à la tête du RPR et de la mairie de Paris, Pierre ne peut s’empêcher de lâcher ce bon mot.
C’est bien la première fois qu’un cheval remercie son jockey.
Quel plaisir de se replonger dans cette époque où les affaires se réglaient à l’apéro plutôt que sur les réseaux sociaux. Je ne sais pas pourquoi, mais j’aime beaucoup cet univers et Olivier Faye le raconte très bien – on pourrait l’encourager à écrire un autre récit du même type. Un seul regret en refermant ce livre, il est trop court.
Olivier Faye. La conseillère. Fayard, 2021.