La plus secrète mémoire des hommes est un roman ambitieux à tel point que j’ai longtemps rechigné à l’ouvrir. Mohamed Mbougar Sarr prend un double risque, adopter un registre soutenu et construire une narration fragmentaire, faite de récits enchâssés. Et pourtant, ça fonctionne. Le roman avance sur une étroite ligne de crête – j’ai parfois eu peur de perdre pied.
Le réalisme magique, revisité par l’Afrique, irrigue l’ensemble, en particulier à travers le livre dans le livre, Le labyrinthe de l’inhumain, signé par le mystérieux – et très inquiétant – T.C. Elimane. Ce texte devient une relique, et son auteur un mythe. Le jeune romancier puise aussi dans les racines de la littérature, notamment la tragédie, pour nourrir sa fresque.
Un grand livre n’a pas de sujet et ne parle de rien, il cherche seulement à dire ou découvrir quelque chose, mais ce seulement est déjà tout, et ce quelque chose aussi est déjà tout.
Ce pari s’est révélé payant, le roman a été couronné par le prix Goncourt en 2021. De mon côté, j’ai apprécié cette lecture, même si ce n’est pas le style que j’apprécie le plus. Je préfère de loin le minimalisme élégant – l’équivalent, en littérature, de la ligne claire en bande dessinée.
Mohamed Mbougar Sarr. La plus secrète mémoire des hommes. Philippe Rey, 2015.