Je suis vivant et vous êtes morts est une phrase tirée d’Ubik1, l’une des oeuvres les plus célèbres de Philip K. Dick. Dick étant lui-même l’un des auteurs de SF les plus connus et le premier auteur de ce genre a être publié dans la prestigieuse collection Library of America (un peu l’équivalent de notre pléiade aux Etats-Unis) – dans les deux cas y entrer est une consécration pour un auteur.

Emmanuel Carrère a certainement choisi ce titre car il est emblématique de l’oeuvre de Dick. Elle explore la frontière entre la réalité et fiction. La question tourne autour du sentiment de réalité. Est-ce que ce que nous croyons être la réalité est bien la réalité ou est-ce un monde imaginaire que l’on veut nous faire prendre pour la réalité ? Cette obsession de l’auteur est certainement liée à son état mental – il souffrait entre autres de paranoïa. Cette même problématique a de multiples ramification dans l’oeuvre de Dick: les réalités parallèles avec Ubik comme nous venons de le voir, Les mondes imaginaires avec Le dieu venu du Centaure2 ou encore l’uchronie (histoire imaginaire) avec Le maître du haut château3.

C’est peut-être par le biais cette dernière catégorie qu’Emmanuel Carrère s’est intéressé à l’auteur. Ce n’est que pure supposition de ma part, mais il faut savoir qu’il a consacré son mémoire de DEA intitulé Une Forme d’histoire imaginaire : l’uchronie à ce genre particulier de science-fiction est qu’il est même l’auteur d’un essai sur le sujet: Le Détroit de Behring. L’Erudition et la connaissance parfaite de l’oeuvre et de la vie de Dick sont impressionnante. Le travail accompli par Carrère a dû être colossal pour réunir cette documentation et rédiger cette biographie – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. En plus de ce travail de besogneux, Carrère donne ici la pleine mesure de son talent en explorant et en nous restituant magistralement la vie et l’oeuvre de cet auteur tourmenté. Autant dire – même si ça parait évident – qu’il faut tout de même s’intéresser de près à Dick et même bien connaître son oeuvre pour profiter pleinement de ce livre qui risque de laisser sur place les néophytes.

En conclusion, je suis plutôt rassuré de n’avoir jamais rien compris à l’oeuvre de Dick – j’exagère un peu, mais il est vrai que j’ai toujours eu beaucoup de mal à le suivre. Je ne suis pas fou, c’est lui qui est fou.

Si vous vous intéressez à l’oeuvre de Dick vous apprécierez certainement Les romans de Philip K. Dick4 un livre d’un autre grand auteur de SF Kim-Stanley Robinson.


Carrère Emmanuel, Je suis vivant et vous êtes morts, Points, 2012, 414 p, Amazon.


  1. Philip K. Dick, Ubik, Robert Laffont, 2001, 286 p, Amazon↩︎

  2. Philip K. Dick, Le dieu venu du Centaure, J’ai lu, 2002, 284 p, Amazon↩︎

  3. Philip K. Dick, Le maître du haut château, Editions 84, 2013, 380 p, Amazon↩︎

  4. Kim-Stanley Robinson, Les romans de Philip K. Dick, Les Moutons Electriques, 2005, 255 p, Amazon↩︎