J’avais été impressionné et plus que ça par la lecture de Fun Home d’Alison Bechdel. J’avais trouvé, et je trouve encore, que ce livre fait partie des très grandes bandes dessinées et des toutes meilleures dans le genre autobiographique. C’est pour cette raison que j’étais enthousiaste à l’idée de lire la suite, *C’est toi ma maman * avec laquelle ils forment un diptyque l’un consacré au père et l’autre à la mère.

Si Fun Home poussait déjà loin dans l’autobiographie et la psychologie, et par conséquent dans le dévoilement de la vie privée, ici on est plusieurs crans au dessus. On peut dire que l’on est carrément dans l’analyse introspective au sens psychothérapeutique du terme. On suit son analyse, ses questionnements centrés sur le rôle qu’a joué, ou que n’a pas joué, sa mère et ses conséquences sur l’adulte qu’Alison est devenue. Elle s’investit beaucoup pour comprendre en effectuant son introspection, mais aussi en étudiant la théorie et en se plongeant notamment dans les travaux de Donald W. Winnicott1 sur les relations précoces entre la mère et l’enfant et les concepts très poussés qu’il a introduit comme celui du faux self.

Ces recherches sont menées pendant une période particulière lors de laquelle elle rédige un livre sur son père – il s’agit de ce qui deviendra Fun Home. Elle est donc alors plongée dans son passé et cherche à obtenir le consentement de sa mère sur la publication – que l’on peut voir comme un déballage – de ces histoires de famille. Parmi tout ce qu’elle évoque, une chose m’a frappé c’est la double motivation qui l’a pousse alors à écrire ce livre sur son père. La première est à l’évidence celle d’exorciser cette histoire en la racontant – un peu comme elle le fait dans le cabinet des différents thérapeutes qu’elle consulte –, la deuxième est probablement une recherche de reconnaissance au travers du succès critique et public que pourraient rencontrer ses livres – elle n’avait pas encore obtenu celle que lui a valu Fun Home, elle vivotait alors de la publication de ses chroniques Lesbiennes à suivre. Je suis toujours troublé – sans parler de jugement – par ces démarches à la fois courageuses et profondément impudiques qu’entreprennent certains auteurs.

Vous l’avez peut-être compris ce drame comique n’a pas la puissance de la tragicomédie familiale Fun Home. Ce n’est pas à cause de la partielle redite qu’il pourrait constituer, mais celui-ci est trop technique, trop personnel et pas assez tourné vers son lectorat. Malgré un côté graphique toujours aussi soigné et réussi et la présence de la littérature en toile de fond – cette fois Virginia Woolf et Sylvia Plath ont remplacé Marcel Proust et James Joyce –, j’ai vraiment dû lutter pour le terminer.


Bechdel, Alison. C’est toi ma maman ? Traduit par Lili Sztajn et Corinne Julve, Denoël, 2013.


  1. Donald Woods Winnicott, né le 7 avril 1896 à Plymouth et mort le 25 janvier 1971 à Londres, est un pédiatre et psychanalyste britannique (Wikipédia). ↩︎