Dans toutes les traditions bouddhistes, prendre refuge est le pas inaugural dans la voie de l’éveil. Il s’agit d’un acte de parole où l’on témoigne de sa confiance dans le bouddha, dans le dharma et dans le sangha (“les trois trésors”).
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Lorsque j’ai appris l’association de l’auteur de Boussole, Mathias Enard, avec celle du Piano Oriental, Zeina Abirached, je n’ai pas hésité une seconde à sauter sur ce livre.

Il raconte l’histoire de la rencontre entre une réfugiée syrienne et un jeune homme allemand. En miroir de cette rencontre on retrouve, par le truchement d’un livre intitulé lui aussi Prendre refuge, les écrivaines, photographes et voyageuses Ella Maillart1 et Anne-Marie Schwarzenbach2 alors qu’elles sont en voyage en Afghanistan – ces personnages apparaissaient également dans Boussole. Elle font une halte en compagnie d’un couple sur le site de Bâmiyân où se trouvaient les fameux Bouddhas3 qui ont été détruits (dynamités) en 2001 par les talibans – on retrouve la référence bouddhique au titre. Ella Maillart a raconté ce voyage dans son livre La voie cruelle4. Lorsqu’elles se trouvent sur ce site magnifique dans les montagnes de l’Afghanistan à des milliers de kilomètres de chez elles, elles apprennent le début de la guerre, on est en 1939. Et la boucle est bouclée avec le présent et la guerre qui pousse les syriens vers l’Europe et l’Allemagne.

C’est vraiment une impression en demi-teinte, disons que je suis resté sur ma faim. J’ai plus eu l’impression de lire une courte nouvelle qu’une grosse bande dessinée. Même les beaux dessins géométriques de Zeina Abirached qui m’avaient tant charmé dans le Piano Oriental et dont on retrouve certaines particularités, comme celle de faire parler les sons via des petites bulles, m’ont paru moins détaillés, moins travaillés. J’ai eu l’impression désagréable qu’ils avaient été grossis pour occuper plus d’espace.

Une idée de départ – trop – bien ficelée ne fait pas toujours un bon livre, le charme de l’un et de l’autre n’a pas opéré cette fois, le résultat n’est pas à la hauteur de la somme des talents individuels.


Abirached, Zeina & Enard, Mathias. Prendre refuge. Casterman, 2018.


  1. Ella Maillart (20 février 1903 à Genève - 27 mars 1997 à Chandolin, Suisse) est une voyageuse, écrivaine et photographe suisse (Wikipédia). ↩︎

  2. Annemarie Schwarzenbach (23 mai 1908 à Zurich - 15 novembre 1942 à Sils, Engadine), est une écrivaine, photographe, journaliste et aventurière suisse (Wikipédia). ↩︎

  3. Les Bouddhas de Bâmiyân étaient trois statues monumentales en haut-relief de bouddhas debout, excavées dans la paroi d’une falaise située dans la vallée de Bâmiyân du centre de l’Afghanistan, à 230 kilomètres au nord-ouest de Kaboul et à une altitude de 2 500 mètres (Wikipédia). ↩︎

  4. Maillart, Ella. La voie cruelle : Deux femmes, une Ford vers l’Afghanistan. Traduit par Frédéric Vitoux, Payot, 2016. ↩︎