Olivier Guez a choisi, comme l’indique le titre du livre, de traiter de la période d’après la guerre. Lorsque l’ange de la mort a fuit comme beaucoup d’autres nazis vers l’Amérique du Sud. La période des camps n’est évoquée que par épisodes, comme des reminiscences de l’horreur. Il a voulu concentrer son roman – car même s’il s’agit en grande partie de faits réels nous sommes bien dans un roman à la manière du HHhH de Laurent Binet – sur l’après guerre et la fuite des nazis – je pense à un autre très bon livre qui traite cette fois du début de la période nazie, L’ordre du jour d’Éric Vuillard. À quoi ont été occupées toutes ces années pendant lesquelles le monde entier a découvert l’horreur des camps et qui a vu se mettre en place la traque de ces grands criminels et l’organisation de leur procès. Est-ce que ces années on été l’occasion de se repentir, de faire le bien ou plutôt celles de l’égocentrisme et de la lâcheté ?

Une sourde inquiétude le taraude, un noir pressentiment, son existence menace de basculer une nouvelle fois, et pendant qu’il conduit, il pense au tableau de la Pinacothèque de Munich qui le terrifiait enfant, Jonas dans la gueule de la baleine, le prophète bientôt avalé par le monstre marin.

J’ai lu des critiques négatives sur ce livre, mais je n’ai pas trop bien compris car de mon côté j’ai trouvé l’entreprise plutôt louable, très bien réalisée et documentée pour autant que je puisse en juger. On pourrait y voir un certain acharnement à observer la déchéance du vieux médecin nazi, un certain plaisir à le voir souffrir, mais après tout ce n’est qu’une petite vengeance.

Auschwitz une entreprise fructueuse: avant son arrivée au camp, les déportés produisaient déjà du caoutchouc synthétique pour IG Farben et des armes pour Krupp. L’usine de feutre Alex Zink achetait des cheveux de femmes par sacs entiers à la Kommandantur et faisait des chaussettes pour les équipages de sous-marins ou des tuyaux pour les chemins de fer. Les laboratoires Schering rémunéraient un des confrères pour qu’il procède à des expérimentations sur la fécondation in vitro et Bayer testait de nouveaux médicaments contre le typhus sur des détenus du camp. Vingt ans plus tard, bougonne Mengele, les dirigeants de ces entreprises on retourné leur veste. Ils fument le cigare entourés de leur famille en sirotant de bons vins dans leur villa de Munich ou de Francfort pendant que lui patauge dans la bouse de vache ! Traîtres ! Planqués ! Pourritures ! En travaillant main dans la main à Auschwitz, industries, banques et organismes gouvernementaux en ont tiré des profits exorbitants; lui qui ne s’est pas enrichi d’un pfennig doit payer seul l’addition.


Guez, Olivier. La disparition de Josef Mengele, Grasset, 2017.