Au risque de choquer, je dois dire que je ne suis pas un grand fan des dessins de Enki Bilal – sacrilège. Je dirais même qu’ils ne me plaisent pas – après tout c’est une affaire de goût, je ne remets pas en cause leur qualité. Mais la perspective d’un scénario comme celui de Bug m’a fait allègrement passer outre ma réticence. C’est génial d’imaginer la survenue d’un tel évènement. C’est certainement la plus grande catastrophe (le plus grand fléau) qui pourrait s’abattre sur notre monde capitaliste.

Tous les disques durs sont vides. Plus aucune donnée nulle part. Plus d’archives, plus de codes, plus rien. Un assèchement total. L’ampleur et la simultanéité du crash dépassent l’entendement. Nous sommes à l’arrêt.

Malheureusement et comme je m’y attendais un peu, même ce scénario alléchant n’a pas réussi à me convaincre. Je n’ai pas adhéré à l’ambiance générale du livre, à cet univers de fin du monde très gris. Donc, mon avis sur l’univers graphique n’a pas changé – et je m’y attendais. Par contre, j’ai été déçu par le scénario qui a été exploité sous un angle très original, manifestement trop pour moi. Je dois me résoudre à mon incompatibilité avec l’univers de Bilal, ça ne m’empêche pas d’avoir beaucoup de respect pour son travail.

Nous sommes devant un phénomène de rupture brutale avec nous-mêmes. Avec ce que nous sommes devenus. Des êtres arrogants, décérébrés par trop de dépendances que nous nous sommes nous-mêmes infligées au nom d’un idée dévoyée du progrès et d’un libre-échangisme porté par des médias à la complaisance criminelle. Nous sommes, je dirais, enfin face à notre propre connerie.


Bilal, Enki. Bug. Casterman, 2017.