Un livre de voyage comme je les aime surtout quand il nous fait découvrir, comme ici, des lieux où il est difficile de se rendre et dont le nom a lui seul, les îles de la désolation, est déjà tout un programme. Celui-ci est écrit par l’ancien journaliste et grand reporter Jean-Paul Kauffmann. On peut dire sans prendre de risque qu’il a bien préparé son voyage, il a beaucoup lu sur ce territoire et en particulier sur son histoire. Il distille ces connaissances emmagasinées petit à petit au cours de son voyage et de son séjour. Lorsque l’occasion se présente, il évoque les différentes expéditions et en particulier celles menées par celui qui a laissé son nom à cet archipel balayé par les vents.

Il nous dépeint ce paysage dont le meilleur qualificatif semble bien être désolation. Sur cette terre c’est le vent qui règne en maître, il impose sa loi à la nature et tient les hommes à l’écart.

Les insectes des Kerguelen sont aptères. Ils ne peuvent voler en raison de l’extrême violence du vent qui a fini par atrophier leurs ailes.

Cette rudesse n’a quand même pas empêché ces derniers, et donc les français, de les coloniser et de marquer ce territoire de façon irréversible en introduisant volontairement ou involontairement des espèces qui mettent en péril la flore et la faune parfois endémiques. Il consacre pleinement le livre à son sujet et ne parle que très rarement d’autre chose, de lui ou de l’actualité, à une exception, lorsqu’il apprend le début de la guerre en Irak, il ne peut réfréner ses réflexes de grand reporter. La langue est belle, le sujet maîtrisé, il ne manque qu’une touche d’humour comme on peut trouver chez Jean Rolin , pour égayer un peu le voyage et le séjour.

J’écoute le ruissellement infini de la pluie. Il étouffe les indécises détonations du lac Bontemps. C’est un bruit moelleux. Rien à voir avec les vibrations sonores et glottales de l’ondée quand elle s’appesantit sur les branches des arbres ou sur le macadam des villes.

Si vous désirez mettre des images sur ces belles descriptions – ce qui semble complètement légitime – pourquoi ne pas ouvrir la BD qu’Emmanuel Lepage a consacré à son Voyage aux îles de la Désolation1.


Kauffmann, Jean-Paul. L’arche des Kerguelen: Voyage aux îles de la Désolation. La Table Ronde, 2016.


  1. Lepage, Emmanuel. Voyage aux îles de la Désolation. Futuropolis, 2011. ↩︎