Le Cercle est un roman d’anticipation qui se déroule dans un futur très proche du notre. Le Cercle est une entreprise qui ressemble furieusement à Facebook – et un peu à Google aussi par certains côtés. Elle offre des services que tout le monde utilise et ne cesse d’innover pour en créer toujours de nouveaux et parvenir un jour à fermer le cercle – on dirait boucler la boucle – c’est-à-dire faire en sorte de détenir et de concentrer l’ensemble des informations pour devenir omniscient. Évidemment tout jeune ambitieux n’a qu’un désir, qu’un seul rêve, faire partie de l’aventure. C’est le cas de Maé qui va rejoindre la société par l’entremise – je sors un mot du 19ème siècle au milieu d’un commentaire sur un roman d’anticipation – d’une amie très proche déjà installée dans les hautes sphères de la direction.

Voilà une dystopie très en prise avec la réalité puisque son thème principal est la place toujours grandissante des sociétés privées, les fameuses GAFAM, dans notre vie et leur impact sur celle-ci. Mais pas que, il met aussi l’accent sur ce monde ultra connecté dans lequel on n’existe que si on communique.

Les secrets sont des mensonges. Partager, c’est aimer. Garder pour soi, c’est voler.

J’avais entendu sur ce livres des critiques qui mettaient en cause sa crédibilité. Je ne suis pas d’accord, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un roman d’anticipation – il entre dans le sous genre, la SF de l’entreprise. Je dirais même qu’il contient de très bonnes idées comme le profil d’utilisateur universel qui doit être le Graal des entreprises comme Google. Dave Eggers illustre également bien la mise en scène de soi, de sa vie, dans une version surmultipliée d’Instagram. Personnellement j’ai été sensible à la partie qui s’attarde sur l’esprit d’entreprise qui déborde dangereusement sur la vie privée et qui encourage – c’est en fait plus qu’un encouragement, une obligation – à participer. Une fâcheuse inclinaison qui n’est pas sans rappeler le Libres d’obéir de Johann Chapoutot. J’ai passé un très bon moment et je trouve que ce roman, malgré ses défauts, joue bien son rôle en dénonçant – certes de façon exagérée, mais c’est le propre du genre – les nombreuses dérives de ce nouveau totalitarisme. Georges Orwell s’est trompé, le danger ne venait pas d’un contrôle exercé de force par les États, mais d’une dépendance de la population à des services proposés par des sociétés privées – il fallait y penser.


Eggers, Dave. Le Cercle. Traduit par Emmanuelle et Philippe Aronson, Gallimard, 2017.