Dernier tome de Zuckerman avant les volumes rassemblés dans le Quarto1. Comme souvent chez Philip Roth, le sexe et la religion sont les sujets prédominants.

Je me disais, conformément à ma pente naturelle, s’il y a un dieu qui joue un rôle dans notre monde, je veux bien bouffer tous les chapeaux de cette ville – et cependant je ne pouvais me défendre d’être pris aux tripes par ces adorateurs de la pierre qui incarnaient pour moi ce qu’il y a de plus effroyablement attardé dans l’esprit humain.

En le lisant on a d’abord un doute émanant de la façon dont les chapitres sont articulés, il n’y a ni unité de lieu ni de temps et aucun procédé artificiel destinés au lecteur pour se repérer – ou alors ils sont très subtils. Puis ça devient de plus en plus flagrant jusqu’au moment où un chapitre contredit complètement les précédents. C’est une fiction, c’est Roth qui écrit et il joue avec ses personnages comme un marionnettiste. Il a imaginé les mettre en scène dans des circonstances différentes. Au lieu de choisir entre plusieurs branches dans son scénario, il garde tout et observe comment réagissent les personnages. L’opposition entre le premier et le quatrième chapitre est encore plus intéressante, puisqu’elle donne un effet miroir en nous montrant comment se comportent les acteurs dans une situation inversée.

[…] seul jour après jour dans sa chambre impeuplée, cherchant sans relâche à dominer par le procédé littéraire ce qu’il avait bien trop peur d’affronter dans la vie, à savoir le passé, le présent, l’avenir.

En rompant le pacte avec le lecteur, Philip Roth enfreint à dessein une règle du roman pour en explorer plus profondément toutes les possibilités. Même si c’est déroutant, on doit reconnaître que ce qu’il fait est très fort, il démontre une fois de plus la puissance de la fiction.


Roth, Philip. La contrevie. Traduit par Josée Kamoun, Gallimard, 2006.


  1. Roth, Philip. L’Amérique de Philip Roth. Traduit par Josée Kamoun, Gallimard, 2013. ↩︎