Quel plaisir de retrouver Alexandre Labruffe et son personnage de poète paumé évoluant tant bien que mal au sein d’une civilisation sur le déclin. Cette position d’observateur décalé est peut-être encore plus vraie ici où il se retrouve au sein de son centre névralgique, une station-service comme une oasis de l’ère industrielle, que dans un hiver à Wuhan, perdu en pleine pandémie de COVID.

Le lendemain, une Porsche grise s’arrête à côté d’une deux-chevaux bleu passé, pompes n° 1 et n° 3: il n’y a rien de plus démocratique et républicain qu’une station-service.

Le principe d’écriture reste à peu près le même, des fragments qui tendent vers l’aphorisme et un socle ancré dans la réalité qui n’arrête pas de faire des incursions plus ou moins délirantes dans la fiction. C’est truffé de très bons passages. Il ressort de ce petit livre que l’on pourrait prendre comme une grosse plaisanterie, une vision plus lucide et réaliste qu’il n’y paraît de notre monde à bout de souffle.

Cette sensation d’appartenir au passé se renforce. Comme si j’étais un vestige, le dernier dinosaure du monde carbone, la dernière sentinelle d’une époque (pétrochimique) bientôt révolue. Le denier gardien du phare d’un siècle (le XXe) qui roulait sur l’or: noir.


Labruffe, Alexandre. Chroniques d’une station-service. Folio, 2021.