Qui serait partant pour une petite virée en compagnie de Terry le clodo, Marvin la torpille, Bob le Miro sans oublier Ed le dégueulasse ? Cette aventure bucolique a manifestement tenté Hunter S. Thompson qui a pris son travail de journaliste de terrain (Gonzo) à coeur en accompagnant les motards sauvages lors de leurs virées – qui se résument à de grosse beuveries auxquelles on se rend en grosse cylindrée vêtu de jeans qui tiennent debout tout seuls tellement ils sont imprégnés de crasse et de cambouis. Le premier venu ne peut évidemment pas les accompagner – sans risquer de graves ennuis –, il faut être adoubé et mériter leur respect, autant dire qu’il ne faut pas tourner à la limonade – je pense que de ce côté là, l’auteur de Las Vegas Parano n’a pas eu besoin de trop forcer sa nature.

Tout comme les citoyens bien-pensants fêtent le nouvel an, les marginaux célèbrent la fête du travail, mais à leur manière: c’est l’occasion de retrouver les vieux potes, de se saouler la gueule ensemble, de tringler à couilles rabattues – bref, le délire intégral.

C’est une très bonne idée d’avoir suivi ces marginaux pour tenter de comprendre ce qui les anime, comme l’anarchie – ou l’envie de faire n’importe quoi – , une étude sociologique en somme. Une idée similaire m’avait traversé l’esprit en observant des groupes de punks à chien assis en rond sur les berges de la Garonne tellement happés par ce qui semblait être une conversation passionnante qu’ils en oublieraient presque – je dis presque – de s’hydrater le gosier à grandes lampées de 8.6 tiède – cette idée n’est pas si loufoque puisqu’un ouvrage consacré à ce sujet, Zonards. Une famille de rue, a paru au PUF. On croise également dans ce livre d’autres allumés de l’époque comme les auteurs Ken Kesey et Allen Ginsberg qui ont eu la bonne idée de convier notre groupe de joyeux drilles. Pour approfondir le sujet et continuer dans la veine du nouveau journalisme, je lirai certainement le livre Acid test qu’a consacré Tom Wolfe à Ken Kesey et à son groupe de l’époque, les Merry Pranksters. Enfin, il ne faut pas oublier que ce livre consacré aux Hell’s Angels date de 1967 et certains passages, notamment sur le viol, peuvent heurter nos consciences du XXIe siècle.


Thompson, Hunter S. Hell’s Angels. Traduit par Sylvie Durastanti, Gallimard, 2011.