J’ai écouté l’interview donné par Christine Angot à la matinale de France Culture pour parler de son dernier livre, La nuit sur commande. Je l’ai trouvée tellement à fleur de peau, tellement écrivaine que j’ai eu envie de la lire – le journaliste Guillaume Erner a même convoqué Duras et Yourcenar. J’avoue que son sujet, l’inceste, m’a toujours tenu à distance de son oeuvre, je n’avais pas vraiment envie de me plonger dans de telles histoires surtout lorsque ce ne sont pas des histoires, mais des faits – quel romancier inventerait une chose pareille. Mais j’avais envie de découvrir l’écrivaine et j’ai choisi Le Voyage dans l’Est.
Dés les premières pages on est pris par le rythme des phrases très courtes, simples et percutantes. On comprend que chaque mot est choisi avec soin. On comprend aussi la douleur de se remémorer de tels souvenirs, la frustration et même les cruels remords.
Vous ne vous rendez pas compte, de ce que ça fait d’avoir un père qui refuse que vous soyez sa fille. Pour vous l’inceste, c’est juste un truc sexuel. Vous ne comprenez pas. Vous ne comprenez pas. C’est le pouvoir ultime du patriarcat. C’est le sceptre. L’accessoire par excellence. Le signe, absolu, d’un pouvoir privé qui s’exerce sur un cercle, et qui est respecté au-delà du cercle, par tous ceux qui s’inclinent devant le rapport d’autorité.
Le récit court sur le long terme et l’on constate les ravages de ces actes sur sa vie entière. Au delà des actes subis, elle parle de la seconde blessure qu’est le silence, garder ces actes pour soi. Pire encore, s’en sentir coupable et constater l’affreuse impunité dont bénéficie son bourreau. La libération de la parole sur l’inceste et les viols est donc essentielle et les livres de Christine Angot, mais aussi ceux de Camille Kouchner (La Familia Grande) ou Neige Sinno (Triste Tigre) y contribuent.
Christine Angot. Le Voyage dans l’Est. Flammarion, 2021.