Le sermon sur la chute de Rome

Pour la deuxième fois, le Goncourt est remporté par Actes Sud. La maison d’édition d’Arles ne pouvait rêver mieux pour inaugurer ses nouvelles couvertures qu’un beau bandeau rouge siglé du Graal de la littérature française. Elles ne sont plus illustrées, mais affichent l’austérité qui est devenu l’apanage des prestigieuses collections des grandes maisons comme Gallimard ou Grasset. La seule concession au conformiste concerne le format plus étroit que les standards qui devenu au fil du temps la marque de fabrique de la maison. Mais parlons du livre et de son auteur Jérôme Ferrari. Ce professeur de philosophie avait déjà fait parler de lui avec son précédent roman Où j’ai laissé mon âme1 traitant de la torture en Algérie. L’Algérie où il a enseigné, il en est question dans ce livre, mais ce n’est pas le théatre principal du roman. Il se déroule sur les lieux d’une autre de ses affectations : la Corse. ...

La carte et le territoire

Ce n’est pas mon livre préféré de Houellebecq mais c’est certainement le plus consensuel. Adieu les provocations, le duo des sujets polémiques sexe & religion. Le Goncourt est à ce prix. Même si ça ne fait pas tout, il est quand même dommage de renoncer à voguer à contrecourant de la bien-pensance et à jeter des pavés dans la marre. S’il a clairement renoncé au sexe dans ce roman “La sexualité est une chose fragile, il est difficile d’y entrer, si facile d’en sortir.”, il n’hésite pas à égratigner quand il en a l’occasion, tiens Mitterrand – pourquoi lui ? – prends ça : “Il revoyait les affiches représentant la vieille momie pétainiste sur fond de clochers, de villages.”. Pourquoi la littérature s’interdirait-elle d’aborder certains sujets, pourquoi devrait-elle être hypocrite et ne pas représenter le monde tel qu’il est avec sa variété d’opinions et de discours ? ...

La bataille

C’est à Balzac que nous devons l’idée de ce livre : Pas une tête de femme, des canons, des chevaux, deux armées, des uniformes ; à la première page le canon gronde, il se tait à la dernière ; vous lirez à travers la fumée, et, le livre fermé, vous devez avoir tout vu intuitivement et vous rappeler la bataille comme si vous y aviez assisté. Il en parlait lui-même en ces termes dans une lettre adressée à Madame Hanska. Intrigué qu’il n’ait pas mené ce projet à bien, Patrick Rambaud a repris le flambeau, relevé le défis. Et de quelle façon, ce livre est génial ! En seulement trois cent pages il nous transporte sur le champ de bataille aux côtés de Napoléon. Mais pas seulement, le lecteur va discuter avec les maréchaux, combattre auprès des cuirassiers et des voltigeurs et même vivre le combat de l’extérieur grâce à un spectateur de marque, Marie-Henri Beyle plus connu sous son nom de plume Stendhal. On a l’impression de se déplacer pour tour à tour se retrouver au front en plein coeur de la bataille où les hommes se livrent une lutte enragée puis à l’arrière sous la tente impériale où la tension est palpable lorsqu’il faut avaler les mauvaises nouvelles, définir la stratégie et ordonner. ...

Je m'en vais

“Je m’en vais”, c’est par ces mots que commence et se termine le livre de Jean Echenoz. Ferrer, le personnage principal, travaille dans le domaine de l’art – il se prénomme Félix mais le narrateur utilise le plus souvent son nom de famille seul. Ancien artiste lui-même il s’est petit à petit transformé en marchant d’art exerçant dans sa propre galerie parisienne. Cette galerie, il s’en sert également de dortoir lorsque les affres de la vie sentimentale le poussent à trouver un refuge. Cette vie et ses calcifications que deviennent avec le temps les habitudes le lassent. C’est pour cette raison, mais aussi pour l’appât du gain, qu’il ne va pas hésiter à embarquer direction le grand nord sur les traces d’un trésor d’art inuit (paléobaleinier plus précisément). ...