Il s’agit bien d’un essai de Michel Houellebecq consacré à l’un de ses auteurs favoris Howard Phillips Lovecraft. H.P. Lovecraft est l’un des maîtres du récit fantastique et d’horreur. Dans ce court essai, Michel Houellebecq étudie l’homme et son oeuvre et cherche à trouver des parallèles. Ce n’est ni une biographie ni une étude approfondie de l’oeuvre mais un subtil mélange entre les deux pour n’en garder que le meilleur. Il évoque l’inadaptabilité sociale de l’auteur, ses difficultés avec l’argent et l’amour, deux sujets qui n’apparaissent d’ailleurs jamais dans l’oeuvre du novéliste de l’horreur. Il aborde surtout le problème du racisme de l’auteur catalysé par son séjour à New York où il a été forcé, à cause de ses problèmes d’argent, de côtoyer les plus modestes et notamment une part importante d’immigrés. Selon, Michel Houellebecq, ce racisme aurait nourri son oeuvre et en serait l’un des fondements. Dans les nouvelles de Lovecraft, c’est souvent un alter ego de l’auteur, par exemple un jeune professeur bien éduqué, qui est aux prises avec le mal – sous-entendu les étrangers. Cette hypothèse est corroborée par le fait que ce que Houellebecq identifie comme les “grands textes” – dont voici la liste classée par date de composition – ont été écrits après la période new yorkaise de l’auteur:

  • L’appel de Cthulhu
  • La couleur tombée du ciel
  • L’abomination de de Dunwich
  • Celui qui chuchotait dans les ténèbres
  • Les montagnes hallucinées
  • La maison de la sorcière
  • Le cauchemar d’Innsmouth
  • Dans l’abîme du temps

Par chance, l’ensemble de ces nouvelles est rassemblé dans deux recueils disponibles au format poche:

  • La Couleur tombée du ciel1
  • Dans l’abîme du temps2

C’est un pur régal de lire cet essai. Ne connaissant pas Lovecraft, j’ai pris beaucoup de plaisir à le découvrir. On rencontre un Michel Houellebecq plus consensuel mais qui fait déjà preuve d’une remarquable intelligence, d’une vision et d’un véritable sens de l’écriture. On y retrouve même souvent des thèmes qu’il reprendra par la suite.

Le contenu à la fois précis, fouillé dans les détails et riche en arrière-plans théoriques qui est celui des encyclopédies peut produire un effet délirant et extatique.

Michel Houellebecq n’a-t-il pas été critiqué pour avoir recopié des articles de Wikipedia dans son livre La carte et le territoire ? On y croise aussi le titre d’un de ces futurs romans.

Et les actions humaines sont aussi libres et dénuées de sens que les libres mouvements des particules élémentaires.

Enfin, une phrase que je crois avoir déjà lu dans Plateforme :

Quand on aime la vie, on ne lit pas.

Evidemment, il atteint son but, piquer notre curiosité. Comment après avoir lu ce livre ne pas se ruer dans une librairie pour acheter du Lovecraft – il est dans le domaine public pour ceux qui seraient intéressés. Vous hésitez encore ? Alors laissez-moi vous citer cette attaque, reprise dans le livre, qui est tirée de la nouvelle La transition de Juan Romero.

Sur les événements qui se déroulèrent les 18 et 19 octobre 1894 à la mine de Norton, je préférerais garder le silence.


Michel Houellebecq, H.P. Lovecraft : Contre le monde, contre la vie, J’ai Lu, 2010, 133 p, Amazon.


  1. Howard Phillips Lovecraft, La Couleur tombée du ciel, Gallimard, coll. « Folio SF », 2000, Amazon↩︎

  2. Howard Phillips Lovecraft, Dans l’abîme du temps, Gallimard, coll. « Folio SF », 2000, Amazon↩︎