Fukushima est entrée au panthéon des villes connues pour leur catastrophe. Elle rejoint les tristement célèbres Hiroshima, Nagasaki et Tchernobyl. Le scénario est implacable, une tragédie en trois actes, un par fléau : séisme, tsunami et pollution nucléaire. La terre, l’eau et un élément quasiment indiscernable contre lequel on ne peut dresser aucune barrière et qui anéantira la vie à petit feu pendant des siècles.

C’est le paradoxe de la grenouille : si on la plonge subitement dans une casserole d’eau chaude, elle s’en échappe d’un bond. Si on fait chauffer l’eau progressivement, elle meurt au bout de quelques heures sans avoir bougé.

Ce récit est différent. Il n’est pas celui d’un journaliste mais celui d’un professeur de lettres qui enseigne à Tokyo. Ce n’est pas la même chose. Premièrement l’objectivité. Il n’est pas tenu à l’objectivité et livre donc sa vision et ne se gène pas pour donner son avis. Deuxièmement, sa façon d’aborder les choses n’est pas la même. Il ne cherche pas le spectaculaire ou le sensationnel mais se concentre sur ce qui l’émeut – cette catastrophe a bouleversé sa vie. Paradoxalement, l’effet produit est plus puissant que le visionnage des images diffusées en boucle par les chaînes d’information. Enfin, le récit est parsemé de références littéraires. Elles agissent comme un onguent, une touche de poésie et de raffinement au coeur de ce chaos indescriptible.

Je pense à Guernica, son paysage soudain décomposé par la guerre, les angles qui fusent, les pointes … Picasso l’avait bien vu : dans un désastre, les courbes disparaissent, toute la rondeur du monde, sa douceur et son embonpoint, n’en reste plus que le tranchant.

Même si ce n’est qu’un livre, Michaël Ferrier parvient à tirer quelque chose de positif de cette catastrophe. Il livre un témoignage original, sincère, émouvant et porteur d’espoir. L’ampleur du désastre saute au visage comme dans ces livres pop-up qui déploient leur structure à mesure que l’on tourne les pages.


Michaël Ferrier, Fukushima : Récit d’un désastre, Gallimard, coll. « L’Infini », 2012, 272 p, Amazon.