Hiroshi Nakahara est un homme de 48 ans qui, lors d’un déplacement professionnel, va un peu trop arroser la soirée et se réveiller le lendemain avec une gueule de bois carabinée. Tellement carabinée qu’il va se tromper de train. Lorsqu’il s’en aperçoit, il reconnaît vaguement le paysage et se fait rapidement confirmer par une hôtesse que le train roule en direction de la ville où il a vécu enfant. Résigné, il décide de profiter de cette occasion donnée par le destin – ou plutôt par l’alcool – pour visiter la ville, voir ce qu’est devenue sa maison, se rendre au cimetière pour se recueillir sur la tombe de ses proches. Là, par un phénomène inexpliqué – est-ce encore un effet de l’alcool, il faudra que l’on me dise ce qu’il a bu – il va se retrouver dans la peau de l’enfant qu’il a été tout en conservant sa conscience d’adulte. Il a alors l’opportunité de revivre sa vie de garçon de 14 ans avec le recul et l’expérience d’un adulte. Imaginez un peu le bonheur ! De nombreuses personnes sont passées à côté de leur adolescence, trop contrariées par la fameuse crise du même nom, elles ont raté des moments essentiels de la vie: La famille aux petits soins, les copains, le sport, des quantités de choses à découvrir, du temps pour les loisirs et l’amour. Et là, vous avez une seconde chance et vous allez vivre ces moments pleinement, les apprécier en connaissance de cause puisque vous arrivez d’un monde beaucoup plus contraint et triste, celui des adultes.

Difficile dans cette circonstance de rester simple spectateur. Revivre sa vie est porteur d’espoir et donne l’occasion d’infléchir le cours des évènements, de corriger ce que l’on a manqué et de faire de nouvelles expériences. Mais tout n’est pas rose, la conscience d’adulte émousse la candeur de l’enfance et changer le cours du temps est un jeu dangereux, le résultat est incertain, la vie sera-t-elle au final meilleure ou pire ? Enfin comme dans un miroir, cette expérience constitue aussi une façon de remettre sa vie d’adulte et de père de famille en question, de l’évaluer à l’aune de ce qu’a été celle de nos parents.

Quartier lointain est une oeuvre qui ne joue pas que sur la nostalgie, son propos est plus profond. Côté forme, elle est parfaitement scénarisée et mise en images, les dessins précis et rigoureux emblématiques de Jirô Taniguchi raviront le plus grand nombre. N’hésitez pas à faire le voyage, vous passerez un bon moment en compagnie de ce livre, il ravivera des souvenirs enfouis et soulèvera certainement quelques questions.

Je vous conseille l’intégrale reliée qui propose un très bon rapport qualité / prix.


Jiro Taniguchi, Quartier lointain - Intégrale, Casterman, 2006, 495 p, Amazon.