Parfois parmi le chalutage – 12 livres – pratiqué hebdomadairement à la bibliothèque on tombe sur une perle. Et quand il s’avère en plus que le livre a une histoire qui mérite d’être racontée, je me dois de prendre la plume.

Il est l’oeuvre de Crockett Johnson – rassurez-vous Crockett est un surnom – qui fut un auteur de livres pour enfants renommés dont le fameux Harold et le crayon rose – je fais le malin, mais je ne fais que répéter ce que j’ai lu, je ne connaissais ni l’auteur ni son livre. Il a écrit de nombreux livres à succès, mais celui qui lui tenait le plus à coeur a été refusé par de nombreux éditeurs. A force d’insister, il parvint à le faire publier, mais l’éditeur a confié les illustrations à une jeune illustratrice. Et le livre paru sous le titre Castles in the Sand.

Il a fallu attendre quarante ans, et le centenaire de la naissance de l’auteur pour que paraisse, La plage magique, la version que j’ai eu entre les mains illustrée par les croquis de l’auteur. Il est important de noter que ce ne sont pas des dessins finalisés, mais de simples croquis retrouvés avec le manuscrit original. D’où venait ces refus ? Quelle était leur cause ?

En toute honnêteté, je dois dire que j’ai lu l’histoire à ma fille avant de lire la préface et la postface qui m’ont appris grosso modo ce que j’ai raconté plus haut. Même sans connaître tout cela, j’avais trouvé l’histoire géniale. Découvrir ce contexte n’a fait que confirmer ma première impression.

C’est curieux parce que je n’ai pas pensé une seconde en lisant ce livre que l’histoire était trop compliquée. Deux enfants sont sur une plage après avoir longtemps hésité entre cette sortie et rester à la maison à lire une histoire. Ils décident donc d’inventer la leur en écrivant des mots sur la plage. Chaque fois qu’un mot est effacé par une vague, ce qu’il désignait apparaît. La réalité et la fiction se mélangent alors. Au lieu de lire une histoire à la maison, ils sont à l’intérieur, ils la vivent. Je ne vois pas ce qui est compliqué jusqu’ici, les enfants font toujours ça. Ils jouent à imaginer des choses, à faire semblant de devenir quelqu’un d’autre, d’être ailleurs. Ici en plus l’auteur évoque le pouvoir des mots et en fait prendre conscience aux enfants.

Personne – et surtout pas les enfants – n’est obligé de relever la référence au Roi pêcheur et au Graal symbolisé par le coquillage. Je vois plutôt ça comme un cadeau fait aux adultes qui lisent l’histoire aux enfants et une preuve de considération à l’égard de ces derniers. Je peux vous garantir que malgré la fadeur des dessins – je le redis ce ne sont que des croquis –, ma fille n’a pas quitté ce livre des yeux jusqu’à la fin de cette longue histoire. Bonus, il y a plusieurs façon de l’interpréter, choisissez simplement celle que vous préférez.

Je suis de ceux qui pensent qu’il ne faut pas sous estimer les enfants. Il faut leur donner de la matière, des histoires de qualité et en voilà une particulièrement intéressante. Ce n’est pas pour rien que Crockett disait ceci:

La plage magique est de loin la meilleure chose que j’ai faite.


Crockett Johnson, La plage magique, traduit par Quentin Le Goff, Tourbillon, 2006, 60 p, Amazon.