Ce roman graphique est un récit autobiographique d’un enfant de la deuxième génération autrement dit les enfants des survivants de la Shoah. Il s’inscrit donc dans la même veine que Maus1, filiation que l’auteur revendique de façon explicite puisqu’il raconte même avoir essayé en vain de le faire lire à son père.

À la différence de son illustre aîné qui abordait les deux époques (le passé dans les camps et l’après, la génération du fils), ce livre se concentre exclusivement sur la vie après les camps. Ou comment construire une famille lorsque la sienne a été décimée par les nazis. Les scènes du passé ne sont évoquées qu’à l’occasion d’histoires racontées par le père de l’auteur.

Le dessin noir et blanc tout en arrondi et en harmonie, plutôt gai contraste avec les propos – l’auteur évoque d’ailleurs lui-même ce contraste. Il n’en restent pas moins agréables et la profondeur des propos suffisent à transmettre l’émotion. Comme dans Maus c’est le décalage entre le père et le fils, cette incompréhension mutuelle qui est mise en lumière et étudiée. Peut-être est-elle née de la difficulté à parler de l’horreur, une façon de se préserver ou d’épargner les siens. Pourtant petit à petit le père se mettra à raconter et ira même plus loin en faisant visiter les camps et en écrivant lui-même un livre sur son histoire. En y réfléchissant le même dispositif en miroir et la même incompréhension entre le père et le fils sont explorés dans un contexte proche mais différent, celui des camps de prisonnier de guerre dans Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B.

Difficile pour les enfants de s’épanouir dans un tel contexte. Il doit y avoir un sentiment étrange. Comment le père qui a vécu une telle horreur pourrait comprendre les difficultés de la vie quotidienne – “normales” – de ses propres enfants, et pourtant …

Encore un témoignage sincère et poignant sur ce drame qui, malgré le temps qui passe, n’a pas fini de faire souffrir les hommes.


Kichka Michel. Deuxième génération: Ce que je n’ai pas dit à mon père, Dargaud, 2012.


  1. Spiegelman, Art. Maus  l’intégrale: un survivant raconte. Flammarion, 1998. ↩︎