Passée la surprise du premier tome, on se penche plus en détail – j’aurais pu dire plus sereinement, mais je ne sais pas si c’est vraiment le cas – sur la vie quotidienne en Syrie, et notamment sur son système éducatif, c’est-à-dire plus prosaïquement l’école. Et c’est pour le moins surprenant voire choquant pour notre regard d’occidental – j’ai bien souvenir d’avoir entendu parler des coups de règle sur les doigts que les maîtres infligeaient parfois à la génération de mes parents, mais là on se situe un bon cran au-dessus me semble-t-il. Cette impression est largement partagée par la mère du jeune Riad qui semble avoir de plus en plus de mal à vivre dans ce pays si différent du sien. Pourtant le père de Riad, Abdel, s’échine à améliorer le quotidien et tente de le rendre plus agréable ou supportable pour sa famille. Même les visites sur le site antique de Palmyre et les vacances au bord sur la cote à Lattaquié ne sont qu’un palliatif et ne suffisent pas à compenser le confort rudimentaire du village de Ter Maaleh où vivent les Sattouf.

On sent même que ce père, ardent défenseur du panarabisme1, s’essouffle lui aussi. On dirait qu’il se force à y croire, qu’il se voile la face – sans vouloir faire un mauvais jeu de mots. Avec toutes ces déconvenues, il a l’occasion de se passer le doigt sous le nez à de multiples reprises – c’est une sorte de tic qui se déclenche lorsqu’il est frustré ou gêné. Comme quelqu’un qui sait, en son for intérieur, que c’est déjà perdu, mais qui continue à y croire se mentant ainsi à lui-même. Quant au tout jeune Riad, il s’adapte tant bien que mal sans trop se plaindre semble-t-il avec la résilience dont font preuve les enfants.

Les brefs passages en France, identifiables aisément par le changement de la couleur dominante des pages qui passe du rouge du drapeau Syrien au bleu du drapeau français – si si c’est cette raison qui est invoquée par l’auteur –, est l’occasion de souligner le fossé qui sépare les deux pays, mais aussi, paradoxalement de pointer quelques similitudes que l’on peut trouver dans la vie à la campagne – je ne me risquerais pas à en dire plus sur les campagnes bretonnes. Je vais donc lire la suite avec un grand intérêt, le quatrième tome, s’il n’est peut-être pas le point final de la série semble tout de même en être le point d’orgue.

P.-S.: Un grand merci à Éva et Cc pour ce cadeau de fête des pères, c’est top!


Sattouf, Riad. L’Arabe du futur #2. Allary, 2015.


  1. Le panarabisme est un mouvement politique, culturel, et idéologique fortement séculier qui vise à réunir et à unifier les peuples arabes. Il se propose de défendre l’identité arabe (Wikipédia). ↩︎