Tout a été dit sur ce livre, je vais donc m’efforcer de ne pas trop en rajouter, mais plutôt de faire part de mon expérience de lecture, de mon ressenti – et peut-être un peu aussi des circonstances de cette lecture. Je ne sais pas pourquoi, mais depuis quelques années, j’aime trouver mes lectures par hasard sur mon lieu de vacances parmi les vieux livres de poche que les gens relèguent dans leur résidence secondaire ou disposent à dessein pour les visiteurs. Et cette fois, je suis tombé dans deux maisons différentes sur L’Étranger, pour être plus précis sur un vieux Folio portant le numéro 2. Vous allez me dire qu’il s’agit d’un des livres les plus lus et les plus achetés – c’est le deuxième livre le plus vendu après Le Petit Prince – il figurait notamment au programme des lycéens, mais j’ai tout de même pris ça comme un signe ou plutôt comme une forte incitation à le lire. Avant d’en venir à mes impressions, je dois confesser les raisons qui ont fait qu’à mon âge avancé j’étais passé à côté de ce classique moderne. A vrai dire, je ne sais pas comment j’ai pu passer au travers pendant ma scolarité, mais je sais pourquoi je ne l’avais pas lu par la suite. J’avais tout simplement considéré à tord que ce livre était trop triste après avoir lu les premières phrases, l’incipit.

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : “Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.” Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.

Cette fois j’ai eu raison de surmonter mon appréhension et de me plonger dans la lecture. J’ai d’abord été surpris par la simplicité et par la concision des phrases, puis je me suis fait à ce rythme particulier. Peut-être est-ce une façon pour l’auteur, Albert Camus, de s’effacer complètement derrière son narrateur. Puis j’ai été pris par ce rythme, j’ai subi, comme Meursault les événements qui surviennent. Ils glissent et on ne parvient pas à anticiper ce qui va survenir, même si on peut sentir la tension monter, quelque chose se resserrer. Difficile de lâcher le livre dans ces conditions et il se lit très vite. Il en reste un souvenir indélébile, une conviction que la vie peut n’avoir aucun sens, s’avérer absurde.


Camus, Albert. L’Étranger. Gallimard, 1971.