Dans ce récit autobiographique Carole Lobel raconte le mécanisme de l’emprise. Elle revient sur sa relation de jeunesse qui s’est peu à peu transformée pour devenir toxique – et encore, le mot est faible.
Pourtant, il y a des signes. Comme si, masqué par le volume sonore de l’orchestre, un tout petit violon se trouve désaccordé.
L’autrice qui, si l’on en croit son récit a déjà publié des livres jeunesse, écrit sous pseudonyme – elle a peut-être emprunté le patronyme d’Arnold Lobel puisque lui aussi était dessinateur et auteur jeunesse – et on comprend pourquoi tant ce qu’elle raconte est dur pour elle, mais aussi pour sa famille. La connotation guerrière du titre est tout à fait à propos.
Les dessins sont réalisés au Bic quatre couleur – comme dans Moi ce que j’aime, c’est les monstres – dans un style anthropomorphique minimaliste et naïf, faisant référence à la littérature jeunesse, qui contraste fortement avec le propos. Son dessin a gagné en puissance évocatrice, grâce notamment à des illustration percutantes, ce qu’il a cédé au réalisme, c’est très fort. Le sujet et sa réalisation sont à la hauteur, ce qui donne un très grand livre qui devrait être lu par le plus grand nombre pour comprendre ce que vivent certaines femmes. De quoi à largement justifier le prix spécial décerné par le jury du festival d’Angoulême en 2024.
Carole Lobel. En territoire ennemi. L’Association, 2024.