Les Royaumes du Nord est le premier tome de la trilogie A la croisée des mondes, se déroule dans un univers parallèle du type fantasy et pourrait être classé aux côtés d’oeuvres comme le Seigneur des anneaux, Harry Potter ou Les Chroniques de Naria. De prime abord, il semble être construit, comme bon nombre d’ouvrages, sous forme d’une quête initiatique durant laquelle le héros, jeune enfant innocent, va, au fil des épreuves et des expériences, évoluer pour entrer dans l’âge adulte. Pourtant dans ce roman, l’héroïne, Lyra, n’est pas l’archétype du héros de ce genre de littérature. Au lieu d’être comme la plupart de ses petits camarades de fiction, sage, innocente et juste, elle a un penchant pour le mensonge, la fourberie et la manipulation. Est-ce ceci qui a énervé l’Eglise catholique et a engendré une véritable polémique ? Non, c’est plutôt lorsque l’auteur commence par assimiler l’histoire d’Adam et Eve à un conte de fée. Conte de fée qui devient, dans la prose de l’auteur, un nombre imaginaire fondateur des théories de l’Eglise. Cette dernière est, dans le roman, plus généralement présentée comme une organisation maléfique capable de commettre des actes barbares comme la castration. Son but inavoué serait de purifier les hommes en leur enlevant leur part d’animalité, matérialisée dans le monde créé par Pullman, par les daemons. Les daemons (prononcés démons) sont des animaux intimement liés à chaque être humain. Chaque personne possède donc et même intègre une créature pouvant prendre,durant l’enfance et l’adolescence, plusieurs formes animales symbolisant ainsi le caractère et la personnalité encore hésitante et changeante de l’enfant. Lors du passage à l’age adulte, le daemon prend une forme définitive et immuable. Il constitue donc une représentation matérielle du caractère de la personne. Quand certains peuvent se targuer d’être accompagnés d’un noble félin ou d’un rapace, les domestiques sont le plus souvent accompagnés de dociles chiens…

Au-delà du buzz médiatique provoqué par la sortie en film du premier volet, à priori édulcoré, de la trilogie, le livre de Pullman est intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord pour sa dimension imaginaire même si l’on est ici dans un conte assez cruel non exempt de passages violents. Ensuite, mais nous en avons déjà parlé, pour son deuxième niveau de lecture. Enfin c’est une histoire rythmée exempte des longues descriptions qui constituent souvent un travers dans lequel tombent fréquemment ce genre de romans. En conclusion, je dirais, même si je ne suis pas sûr de lire la suite, que c’est un bon divertissement proposant quelques trouvailles intéressantes.


Philip Pullman, A la croisée des mondes #1 : Les Royaumes du Nord, traduit par Jean Esch, Gallimard, 2003, 533 p, Amazon.