Bien-être

Le bien-être c’est le Graal pour toutes les personnes ayant déjà assouvi leurs besoins se trouvant au bas de la pyramide de Maslow. Pour y parvenir, la route est semée d’embuches et de fausses pistes. Nathan Hill parvient à saisir les dérives de notre époque avec une touche d’humour sarcastique. Il effectue une radiographie ou plutôt une autopsie du couple monogame occidental dans un roman dont l’intrigue se déroule sur une période relativement courte, mais qui revient abondamment dans le passé. ...

Intermezzo

Le roman de Sally Rooney gravite entre des pôles soumis à des mécanismes d’attraction / répulsion. Ces deux pôles sont deux frères, le plus jeune est un champion d’échecs et le plus âgé avocat. Les relations amoureuses sont au coeur du livre – on est bien chez Sally Rooney –, mais peut-être un peu moins que dans ses précédents romans, au profit des relations familiales. L’expression est éculée, mais j’ai envie de l’écrire quand même, ce roman ressemble à celui de la maturité. ...

La Défaite de l’Occident

Emmanuel Todd a une réputation sulfureuse – sa page Wikipédia est verrouillée – liée à ses positions et à des propos sans concession. Il se traine la réputation ambigüe de prophète depuis qu’il a prévu – ou prédit – la chute de l’URSS et la fin de l’hégémonie américaine. Ce n’est pas un hasard, il ne lit pas l’avenir dans une boule de cristal, mais en s’appuyant sur sa spécialité, la structure familiale, et sur des statistiques macroscopiques qui n’ont rien d’original: la démographie, l’éducation, le budget. L’épine dorsale de La défaite de l’Occident est la disparition des religions en Occident – au premier rang desquelles le protestantisme qui selon lui a eu une grande influence au Royaume-Uni et aux États-Unis (les WASP) – qu’il classe en trois stades ...

Pastorale américaine

Pastorale américaine est le premier roman de la trilogie américaine (reprise récemment, et augmentée du complot contre l’Amérique, en Quarto sous le titre L’ Amérique de Philip Roth) et l’un des neufs (le sixième) mettant en scène l’écrivain alter ego de Philip Roth, Nathan Zuckerman. Dans le quartier, il y avait un enfant qui surclassait nettement les autres, il était le meilleur en sport, rendait les filles folles et ressemblait si peu aux autres qu’ils l’appelaient le Suédois. Bien des années plus tard, les chemins si différents – l’un en ligne droite et l’autre tortueux – du Suédois le côté clair et de Zuckerman le côté sombre vont à nouveau se croiser. ...

La colère et l’oubli

Je ne suis pas un spécialiste de ce sujet, juste un témoin occidental de la montée du jihadisme dans nos pays européens et de ses manifestations les plus visibles et les plus cruelles, les attentats. Ce livre retrace clairement l’histoire de cette vague qui, comme le souligne Hugo Micheron, évolue en deux temps, à marée haute et à marée basse. L’ouvrage est articulé en trois phases chronologiques. Les vétérans - décennie 1990: Il revient sur les origines du mouvement à Peshawar pendant la guerre d’Afghanistan, qui a vu se rejoindre des musulmans de nombreux pays pour faire la guerre à l’envahisseur russe. À la fin de la guerre, ils sont retournés essaimer dans leur pays ainsi q’en Europe et en particulier à Londres pour former ce qui a été nommé le Londonistan. Les pionniers - décennie 2000: Les attentats du 11 septembre sont le point de départ d’un jihadisme européen, c’est-à-dire émanant d’Europe pour frapper l’Europe. Les autochtones: C’est l’époque de la guerre en Syrie qui attire sur son sol des combattants, de l’essor de Daech (État islamique) et de l’établissement, relativement éphémère, d’un califat. Tout est extrêmement bien documenté – Hugo Micheron est un enseignant-chercheur spécialiste de ce sujet – et très clair – même pour le profane que je suis. Il montre bien les mécaniques de radicalisation qui passent principalement par l’établissement de communautés dans des villes ou des quartiers, les prêches et la prison et qui ont su s’adapter aux nouveaux moyens de ommunication numériques qui ont connu une révolution pendant ces décennies. Les propos factuels et dépassionnés d’Hugo Micheron donnent au lecteur une vision claire et clinique des récents évènements qui ont bouleversé nos vies d’européens. Ce livre est un outil indispensable pour acquérir une connaissance de ce phénomène, connaissance qui est un préalable obligatoire à la compréhension de l’évolution de nos sociétés. Comme l’auteur le souligne dans sa conclusion, les différents mouvement politiques ne semblent toujours pas appréhender cette problématique de la bonne manière. ...

Le père Goriot

Je possède ce Folio depuis que l’on m’a demandé de l’acheter dans le cadre des cours de Français au collège – ou au lycée. A l’époque, je ne l’avais pas lu, seulement certaines parties – le strict minimum. Depuis, de temps en temps, il se rappelait à moi et j’ai enfin sauté le pas. Il n’y a pas de principes, il n’y a que des évènements ; il n’y a pas de lois, il n’y a que des circonstances : l’homme supérieur épouse les évènements et les circonstances pour les conduire. ...

L'emprise

Je n’avais pas lu Marc Dugain depuis très longtemps – depuis la Malédiction d’Edgard peut-être. Puis, à l’occasion de la sortie de son livre Tsunami, j’ai entendu parler de son précédent thriller politique dont le premier volet est L’emprise. Alors qu’en dire ? Les premières choses qui me viennent à l’esprit sont les similitudes qu’il présente avec la série TV Baron Noir – c’est dire la référence. Il contient quelques réflexions politiques intéressantes. ...

Le combat du siècle

Le combat du siècle ou The Rumble in the Jungle est le combat, organisé par Don King, qui eut lieu en 1974 à Kinshasa (au Zaïre, devenu depuis la RDC) et qui opposa les deux plus grands boxeurs de l’époque, le puncheur Georges Foreman et le technicien Mohamed Ali pour la conquête du titre de champion du monde de boxe anglaise. Et ce n’est pas tout, le combat n’est pas raconté par n’importe quel journaliste, mais par l’écrivain Norman Mailer plusieurs fois lauréat du prix Pulitzer. Vous en voulez encore ? Mailer a inscrit son récit dans la mouvance du nouveau journalisme. Le récit est très novateur – même aujourd’hui prés de 50 ans après sa publication – puisqu’il sort du cadre du reportage pour s’inclure dans le récit – il parle d’ailleurs de lui à la troisième personne, en utilisant son prénom, Norman – comme le fait aujourd’hui Emmanuel Carrère et comme l’on fait avant lui Tom Wolfe, Truman Capote, Joan Didion ou encore le roi du Gonzo Hunter S. Thomson – ce dernier est d’ailleurs présent dans le récit puisqu’il se trouvait sur place pour suivre l’évènement. Il profite de cette position d’observateur pour dire son étonnement de découvrir ce pays immense au coeur de l’Afrique dirigé par le dictateur Mobutu. ...

Ceux du Nord-Ouest

C’est la première fois que je lis Zadie Smith et l’expérience est très convaincante. Ce roman comme son titre nous le suggère prend ses racines dans les quartiers du Nord-Ouest de Londres. L’éditeur compare ce roman au Mrs Dalloway de Virginia Woolf – pourquoi pas. Il raconte l’évolution parallèle, mais bien différente, de deux amies. De leur jeunesse à l’âge adulte. Cette narration n’est pas effectuée dans l’ordre chronologique, mais selon un tempo savamment orchestré. Et, c’est dans cette écriture qu’elle excelle, dans les dialogues à la fois externes, entre les personnages, et internes, dans la tête des personnages, ce que l’on appelle le courant de conscience. ...

Jan Karski

Le livre de Yannick Haenel consacré au héros de la résistance polonaise Jan Karski compte trois partie distinctes. La première est une reprise de l’interview de Jan Karski filmée par Claude Lanzmann dans le cadre de son film Shoah. Elle permet de donner le contexte et sert en quelque sorte d’introduction. La deuxième est le résumé du livre Story of a Secret State écrit par Jan Karski dans lequel il raconte la période qu’il a consacré à la résistance et notamment, ce qui le hantera toute sa vie, la découverte et la visite du ghetto de Varsovie et du camp d’extermination de Bełżec. Dans ces lieux, il verra ce qu’un être humain ne peut concevoir. ...

La parade

Quatre est taiseux et appliqué, Neuf est bavard et désinvolte – ce sont bien des prénoms. On dirait l’opposition entre les européens du nord et du sud. Ils ont été sélectionnés pour accomplir une mission, construire une route qui doit relier le sud au nord d’un pays qui porte encore les stigmates d’un violent conflit armé, une guerre. Une fois construite, elle sera inaugurée en grande pompe par une parade. Les dates sont fixées, il ne faut pas prendre de retard, l’enjeu est trop important. Neuf va rapidement se révéler être peu digne de confiance et risque bien de mettre plus de bâtons dans les roues qu’il n’apportera d’aide à Quatre. ...

Hell’s Angels

Qui serait partant pour une petite virée en compagnie de Terry le clodo, Marvin la torpille, Bob le Miro sans oublier Ed le dégueulasse ? Cette aventure bucolique a manifestement tenté Hunter S. Thompson qui a pris son travail de journaliste de terrain (Gonzo) à coeur en accompagnant les motards sauvages lors de leurs virées – qui se résument à de grosse beuveries auxquelles on se rend en grosse cylindrée vêtu de jeans qui tiennent debout tout seuls tellement ils sont imprégnés de crasse et de cambouis. Le premier venu ne peut évidemment pas les accompagner – sans risquer de graves ennuis –, il faut être adoubé et mériter leur respect, autant dire qu’il ne faut pas tourner à la limonade – je pense que de ce côté là, l’auteur de Las Vegas Parano n’a pas eu besoin de trop forcer sa nature. ...

Légendes de la Garde HS2

Bon on ne va pas se le cacher, les publications des Légendes de la garde sont de plus en plus minces et de moins en moins intéressantes. Déjà avec le précédent tome Baldwin le brave et autres contes c’était le service minimum, mais là on touche le fond. Ce mince recueil contient trois contes dont le seul intérêt réside dans les dessins qui restent d’une qualité égale et remarquable – notamment les enluminures. Je le savais avant de l’acheter, mais je suis d’une faiblesse désolante lorsque je vois ces mignonnes petites souris armées jusqu’aux dents . Je ne suis pas particulièrement l’actualité de David Pertersen, mais il semblerait qu’après ces fonds de tiroirs – qui ont permis de faire patienter le lecteur et de faire bouillir la marmite de l’auteur –, un nouveau tome se prépare dont le titre anglais est Weasel War of 1149. Je garde espoir. ...

30 avr. 2023 ·  BD

La décision

Certaines décisions sont lourdes de conséquences. À la fin de mon instruction, je dois déterminer si j’ai suffisamment de charges pour que ces individus soient jugés par d’autres. C’est une torture mentale : est-ce que je prends la bonne décision ? Et qu’est-ce qu’une bonne décision ? Bonne pour qui ? Le mis en examen ? La société ? Ma conscience ? Comme dans Les choses humaines, ce roman de Karine Tuil se déroule dans le milieu judiciaire – elle est juriste de formation. Cette fois c’est le grand sujet de la lutte contre le djihadisme qui est abordé en mettant en scène une juge antiterroriste. On y retrouve les éléments de la réalité que sont les différents attentats qui ont endeuillé la France et des éléments de fiction. L’autrice fait le parallèle entre le domaine professionnel et privé et souligne la porosité entre ces deux univers. ...

Des hommes sans nom

Quand j’ai appris que Marc Dugain dirigeait une toute nouvelle collection de romans d’espionnage chez Gallimard, j’ai eu envie de voir ce que ça donnait. Pourquoi lui pour une telle collection ? Tout d’abord parce qu’il est un écrivain qui a écrit des livres dans ce registre comme La malédiction d’Edgar ensuite parce qu’il connaît très bien cet univers, celui des espions. Le premier livre de cette collection s’intitule Des hommes sans nom. ...

Eichmann à Jérusalem

J’ai croisé ce livre dans Une saison de machettes de Jean Hatzfeld et j’ai eu envie de m’y plonger. Avant de le lire, je ne connaissais ni Adolf Eichmann, ni son rôle au sein du parti Nazi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il fait partie des fuyards qui se sont installés en Argentine après la défaite – comme bien d’autres comme Josef Mengele dont Olivier Guez avait raconté l’exil dans La disparition de Josef Mengele. Eichmann n’a pas échappé au Mossad et a été extradé clandestinement en Israël pour y être jugé lors d’un procès qui fait suite à celui de Nuremberg auquel il avait échappé. On découvre vite dans le livre, qu’il n’est pas un personnage à la hauteur de ses crimes. Il ressemble plus à un fonctionnaire zélé, un maillon très solide de la terrible chaîne. ...

Chroniques d’une station-service

Quel plaisir de retrouver Alexandre Labruffe et son personnage de poète paumé évoluant tant bien que mal au sein d’une civilisation sur le déclin. Cette position d’observateur décalé est peut-être encore plus vraie ici où il se retrouve au sein de son centre névralgique, une station-service comme une oasis de l’ère industrielle, que dans un hiver à Wuhan, perdu en pleine pandémie de COVID. Le lendemain, une Porsche grise s’arrête à côté d’une deux-chevaux bleu passé, pompes n° 1 et n° 3: il n’y a rien de plus démocratique et républicain qu’une station-service. ...

La Contrevie

Dernier tome de Zuckerman avant les volumes rassemblés dans le Quarto1. Comme souvent chez Philip Roth, le sexe et la religion sont les sujets prédominants. Je me disais, conformément à ma pente naturelle, s’il y a un dieu qui joue un rôle dans notre monde, je veux bien bouffer tous les chapeaux de cette ville – et cependant je ne pouvais me défendre d’être pris aux tripes par ces adorateurs de la pierre qui incarnaient pour moi ce qu’il y a de plus effroyablement attardé dans l’esprit humain. ...

Tchétchénie, An III

Jonathan Littell, l’auteur du roman Les Bienveillantes, a travaillé pour l’organisation humanitaire Action contre la Faim en Tchétchénie. An III, si l’on en doutait désigne la troisième année du règne – appelons ça comme ça – de Ramzan Kadyrov qui a succédé à son père Akhmad Kadyrov après qu’il a trouvé la mort dans un attentat. La Russie – enfin Vladimir Poutine – semble avoir trouvé avec Ramzan un compromis qui ne satisfait personne, mais qui arrange tout le monde tant qu’il parvient à tenir les indépendantistes. ...

Vol de nuit

Vol de nuit est l’un des mes livres préférés. Dans un livre sur l’aviation, l’Aéropostale en l’occurrence, on s’attend à lire le récit des pilotes héroïques bravant les éléments. Il y a de ça, mais le vrai héros du livre est Rivière, le directeur. Son point de vue semble être de transcender les hommes et les femmes avec lesquels il travaille, il veut dépasser le statut de l’individu pour qu’il s’efface derrière l’entreprise à laquelle il contribue. ...