Le discours prononcé par Patrick Modiano à l’occasion de la remise de son prix Nobel de littérature a été édité par Gallimard, comme pour les autres livres de l’auteur, dans la collection “NRF” – le timing n’a pas été bon car il aurait pu figurer en bonne place dans le Quarto rassemblant la majorité de ses romans 1.

Tout le monde connaît Modiano pour ses hésitations lorsqu’il s’exprime à l’oral qui passent souvent pour de la timidité. Tout le monde était donc curieux de voir comment il allait se tirer d’un tel exercice. Je n’ai pas eu cette curiosité, j’ai préféré attendre la parution du texte pour le savourer tranquillement. Et dès les premières lignes de son discours, il répond de très belle manière aux curieux.

Il [le romancier] a une parole hésitante, à cause de son habitude de raturer ses écrits. Bien sûr, après de multiples ratures, son style peut paraître limpide. Mais quand il prend la parole, il n’a plus la ressource de corriger ses hésitations.

Il parle ensuite de ses hésitations dans le cadre de son travail et de la manière dont il les surmonte.

C’est un peu comme être au volant d’une voiture la nuit, en hivers, et rouler sur le verglas, sans aucune visibilité. Vous n’avez pas le choix, vous ne pouvez pas faire marche arrière, vous devez continuer d’avancer en vous disant que la route finira bien par être plus stable et que le brouillard se dissipera.

Il aborde ensuite la “matrice” qui nourrit son oeuvre composée principalement de son enfance, de la période de l’occupation et de la ville de Paris. Il n’oublie pas de parler de ces vieux annuaires qui apparaissent souvent dans ses livres et dont il se sert pour écrire.

À cause des années qui s’étaient écoulées, les seules traces qu’avaient laissées ces milliers et ces milliers d’inconnus, c’étaient leurs noms, leurs adresses et leurs numéros de téléphone.

Enfin, il termine en évoquant la mémoire, en faisant une comparaison entre la précision du travail de Proust et le flou de son propre travail.

À cause de cette couche, de cette masse d’oubli qui recouvre tout, on ne parvient à capter que des fragments du passé, des traces interrompues, des destinées humaines fuyantes et presque insaisissables.

Outre la l’écriture qui est toujours très belle chez lui, j’ai beaucoup apprécié qu’il n’élude pas dans son discours tous ces éléments, déjà connus, sur sa personnalité et sur son oeuvre. Il les reprend de manière simple pour nous livrer dans ce discours l’essence de Modiano. Lisez, regardez ou écoutez ce concentré de talent et de belle littérature.


Patrick Modiano, Discours à l’Académie suédoise, Gallimard, coll. « NRF », 2015, 40 p, Amazon.


  1. Patrick Modiano, Romans, Gallimard, coll. « Quarto », 2013, 1088 p, Amazon↩︎