Si vous prenez Steve Jobs pour un vulgaire fabriquant de gadgets, vous devriez lire ce livre de toute urgence. Vous vous rendrez alors compte du génie d’un personnage hors-norme qui a modifié durablement le monde de l’informatique et très certainement le cours de nos vies – je n’exagère même pas.

Enfant abandonné à sa naissance, il semblerait qu’il ait toujours été animé pour une rage de revanchard. Le livre le répète assez – bien trop en fait –, il n’avait pas un caractère facile. Pour qualifier son tempérament, Walter Isaacson emploie souvent l’adjectif mercurien qui semble être un doux euphémisme lorsqu’il est appliqué à Steve Jobs.

Se dit d’un caractère imprévisible, ayant des sautes d’humeur.

Par contre, il avait une foi inébranlable en sa vision des choses, une passion brulante pour son travail et était doté d’un courage à tout épreuve lorsqu’il s’agissait de défendre ses convictions. C’est-à-dire le produit parfait. Beau, simple d’utilisation celui que tout le monde rêve d’avoir. Pour y parvenir il faut avoir de l’égo ce qui n’est pas gênant lorsqu’il est proportionnel au talent.

Le jour où il a montré au monde le Macintosh, un journaliste du Popular Science lui demanda s’il avait fait une étude de marché. Et le père du Mac a répondu : “Vous pensez que Graham Bell a fait une étude de marché quand il a inventé le téléphone ?”

La simplicité l’a toujours animé, dès ses débuts (lors du lancement de l’Apple II) cette citation de Léonard de Vinci fut imprimée sur une brochure publicitaire et elle deviendra son mantra.

La simplicité est la sophistication suprême.

C’est un but qu’il rechercha sans cesse, il était un grand fan du designer allemand Dieter Rams. Le credo de Rams était “less is more”. Pour y parvenir il ne faisait aucune concession. Il était prêt à remettre en cause un produit déjà bien avancé, faire refaire un nombre incalculable de fois un design pour une simple question de biseautage d’angle, le perfectionnisme poussé à son paroxysme à l’échelle d’une grande entreprise – tout simplement incroyable quand on connaît les pressions que peuvent exercer un conseil d’administration. Pour parvenir à ses fins, il usait et abusait d’une arme redoutable, le champ de distorsion de la réalité ou CDR.

C’était un effet de distorsion qui modifiait le réel,[…]. Vous réalisiez l’impossible parce qu’il vous avait convaincu que vous pouviez le faire.

Si vous vous intéressez de près ou de loin à l’informatique et à son histoire, au design, au monde de l’entreprise à l’ingénierie ou tout simplement à des personnages hors normes, lisez ce livre. Il vous donnera une belle leçon d’humilité. Il vous montrera que certaines rencontres peuvent changer le monde (Steve et Woz), qu’il faut croire en ses convictions même si elles sont loin de l’évidence ou de la pensée unique et que l’on peut tout simplement avoir un rêve et le mener à bien. Evidemment ce livre ne fait pas qu’encenser Steve Jobs, j’ai pourtant la faiblesse de croire que l’auteur a trouvé le juste équilibre. L’histoire est tellement prenante et diversifiée que cette biographie se lit comme un roman. Certaines critiques se plaignent du style d’écriture. C’est quand même du délire, on ne lit pas une biographie de Steve Jobs comme de la poésie. Le livre est suffisamment bien écrit et clair pour profiter pleinement de ce que l’auteur a à nous dire et c’est tout ce qu’on lui demande. Le seul reproche que je pourrais éventuellement faire concerne les répétitions sur la caractère de Jobs. Au bout d’un certain temps on a cerné le personnage et il n’est pas nécessaire de resservir à chaque fois un passage ou une anecdote à ce sujet.

P.S.: Merci à JMG de m’avoir prêté ce livre, je ne suis plus le même désormais ;-)


Walter Isaacson, Steve Jobs, Le Livre de Poche, Le Livre de Poche, 2012, 952 p, Amazon.