Derrière ce très beau titre, se cache une idée assez originale. Nathalie Léger, ou plutôt la narratrice puisqu’il s’agit d’un roman, doit écrire une notice biographique sur Barbara Loden. Elle nous raconte dans ce petit livre cette expérience, ses recherches, son travail, ses doutes. Barbara Loden était une actrice et réalisatrice qui a connu son heure de gloire – enfin si l’on peut parler ainsi – dans les années 70. Son CV de réalisatrice ne compte qu’un seul et unique film, Wanda dans lequel elle tint le rôle principal. Peut-être parce que le personnage principal lui ressemblait beaucoup, une fille perdue qui passe à côté de sa vie.

Nathalie Léger – cette fois c’est bien elle – a opté pour une construction originale, assez déroutante au départ, mais qui fonctionne finalement bien. Son récit entremêle l’histoire de plusieurs femmes:

  • Barbara Loden, évidement elle est le personnage principal
  • La Wanda du film, la narratrice nous raconte petit à petit le destin de ce personnage de fiction
  • La personne de la vie réelle ayant inspiré le personnage de Wanda
  • La narratrice en suivant le déroulement de son travail, son enquête sur l’histoire de Barbara Loden. Mais pas que puisqu’elle évoque également des éléments de sa propre histoire.
  • La mère de la narratrice dont certaines périodes difficiles résonnent avec celles vécues par les autres femmes
  • Nathalie Léger évidemment

Les récits s’entremêlent dans une apparente absence de structure. Cette agréable diversité finit par se fondre dans le destin d’une seule femme somme de toutes les autres. Bien écrit, ce livre mélancolique – ou triste disons le mot – pourrait bien vous plomber durablement le moral – là aussi, il faut le dire. A moins d’aimer ça, à ne pas lire un dimanche d’automne pluvieux.

On ne sait pas dans quelle ville se passe la scène, mais dès qu’on voit ce recoin de fenêtres, la table en formica dans l’angle des rideaux aux plis épais qui sentent la cigarette et la bière, on sait que ce bar en Pennsylvanie est à l’à-pic exact du malheur, pas un malheur plein d’emphase, pas un malheur grandiose agrafé à l’Histoire, non un malheur fade qui à l’odeur d’un tissu à carreaux pendu aux fenêtres d’un café de province.


Nathalie Léger, Supplément à la vie de Barbara Loden, P.O.L, 2012, 160 p, Amazon.