Schématiquement il s’agit de l’opposition entre deux modes de pensée. La première, celle de la majorité des êtres humains (entre 70% et 85%), est séquentielle. C’est-à-dire que les étapes de la réflexion se succèdent les unes après les autres d’une façon analytique (logique) suivant le plus souvent un plan préétabli ou déduit des étapes précédentes.

La seconde, celle qui est l’objet de ce livre, est globale. Les étapes de la réflexion s’effectuent en parallèle et ne suivent pas de plan préétabli, mais un réseau de relation tissé dans le cerveau qui ressemble à ce que l’on nomme souvent l’intuition et qui permet d’arriver à une solution sans avoir effectué de façon consciente l’ensemble du raisonnement.

Comment savoir à quelle catégorie vous appartenez ? Le livre nous donne des éléments. Si vous avez du mal à établir un plan, à structurer vos idées, l’impression de vous disperser et énormément de difficulté à réfléchir à une problématique de façon structurée, mais que souvent vos idées se mettent en place toutes seules et que la solution vous apparaît soudain comme limpide – et que discuter de la pluie et du beau temps ou de la dernière tondeuse à gazon vous ennuie comme moi profondément – , vous appartenez certainement au mode de pensée globale.

Ce n’est pas magique, pour y arriver vous devez percevoir les choses de façon très sensible et en appréhender tous les détails. Ce qui est un avantage et un inconvénient car vous analysez une masse d’information plus importante que les autres, l’humeur des gens, une attitude, une phrase, un mot qui aura attiré votre attention. Ça devient vite très fatiguant et cette sensibilité exacerbée (hyperesthésie, hypersensibilité) peut s’avérer difficile à gérer car elle vous expose à des émotions fortes. Vous devez également penser très rapidement pour être en mesure de traiter toutes ces informations en parallèle.

Cette façon de penser a des avantages:

  • De l’intuition: Vous sentez les choses et êtes capable d’anticiper sans avoir à effectuer l’ensemble du raisonnement.
  • La capacité et le besoin de mener plusieurs projets en même temps: Cette façon de fonctionner nécessite des temps de pause pendant lesquels vous pouvez faire autre chose et donc traiter d’autres sujets.
  • De la créativité et de l’imagination: Vous trouvez souvent des solutions originales non conventionnelles, novatrices.
  • De la curiosité: Votre cerveau a besoin de se nourrir d’informations diverses et vous développez donc une curiosité à l’égard d’à peu près tous les sujets – sauf la pluie et le beau temps.
  • Du goût pour la complexité: Ce qui est complexe vous attire tant dans les discussions que dans les solutions – sur ce point j’en connais pour qui ce n’est pas toujours un avantage.

Et des inconvénients:

  • Un cerveau qui tourne en permanence sans pouvoir l’arrêter: C’est parfois gênant car il est difficile de se laisser aller, de se détendre de se reposer ou tout simplement de dormir correctement.
  • Le besoin d’avoir une vision d’ensemble pour comprendre et pour avancer: Engendre une façon de progresser dans la réflexion qui n’est pas du tout linéaire et qui peut s’avérer très frustrante. L’impression de ne pas progresser jusqu’au dernier moment.
  • Des idées parfois incomprises: Ces solutions originales qui peuvent ne pas être étayées par un raisonnement peuvent être incomprises par les autres.
  • De nombreux projets inaboutis: Cette façon de passer du coq à l’âne fait des victimes et et laisse des projets inachevés derrière vous qui ne renforcent pas la confiance en soi.
  • L’incompréhension des autres, le sentiment d’être à côté: En avançant différemment des autres on attire les commentaires, soit les jalousies soit les calomnies.
  • Le manque de confiance en soi: Il est tout simplement difficile d’appartenir à une minorité, d’avoir besoin d’attendre avant de se mettre au travail, de constater l’incompréhension des autres. Tout ces facteurs engendrent un manque de confiance en soi.

Penseurs globaux, réjouissons-nous !

Vous raisonnez et produisez des conclusions adaptées et novatrices, simplement en… vous mettant les doigts de pied en éventail et en attendant que le chemin se fasse ! Vous produisez des idées nouvelles, vous êtes créatif, êtes capable de faire plusieurs choses en même temps, raisonnez plus vite et mieux.

Il faut donc pleinement assumer le fait de ne pas avancer linéairement, d’attendre que les choses se décantent sans travailler explicitement, ne pas forcer sa nature pour rentrer à tout prix dans le moule – même s’il faut savoir faire des concessions et s’adapter aux autres et / ou à ce que l’on nous demande de faire. Tout ça me va plutôt bien, finalement je ne suis pas mécontent d’appartenir à cette minorité.

Ce livre est rapide et facile à lire et permet de bien introduire le sujet. En le lisant vous trouverez également des conseils très utiles pour mieux gérer cette particularité. Il permet en tout cas de décomplexer, mais non je ne suis pas un rêveur, un feignant ou un procrastinateur, je réfléchis sans le savoir, tout simplement.

P.-S.: Un grand merci à G., un autre grand penseur global et amateur de complexité, pour ce conseil personnalisé. Comme en informatique, c’est en parallélisant que l’on va plus vite, mais c’est plus difficile à mettre au point et à maitriser et ça donne parfois des résultats surprenants.


Béatrice Millêtre, Petit guide à l’usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués, Payot, 2007, 189 p, Amazon.