Ce livre n’est ni un livre sur MeToo, ni sur le COVID et le confinement, ni sur le défoulement de haine qui fait rage sur internet, ce sont simplement les marqueurs d’une époque qui nourrissent la conversation entre deux bad asses, un écrivain et une actrice, qui tentent de faire le deuil de leur vie d’avant que l’on pourrait résumer par la défonce.
Rien ne m’attire rien ne brille rien ne me bouleverse plus. Je préfèrerais mille fois souffrir et crever d’un amour non réciproque, je préfèrerais être être répudiée être trompée être humiliée être maltraitée je préférerais n’importe quelle blessure d’amour-propre à cet ennui.
Le dicton “qui aime bien châtie bien” n’a jamais été aussi vrai qu’ici et pourtant les deux protagonistes on plus en commun qu’ils ne le pensent, ce sont, malgré leur succès respectif, des marginaux. Ils se situent à peu près à l’opposé de la bien-pensance ambiante et j’adore ça.
Définitivement, plutôt crever que faire du yoga.
Ce livre est a priori l’exact opposé d’un feel good book, mais paradoxalement, il remplit bien cette fonction car il expose des dérives et des faiblesses dont on se sent moins seul à souffrir, en ce sens il agit un peu comme les groupes de parole qu’il évoque très largement. La parole, le fait de se livrer et de sentir de la compassion est peut-être la clé. Ce livre nous dit aussi que, malgré les dysfonctionnements de ce monde et un certain désenchantement, il reste un peu d’espoir.
Virginie Despentes est une écrivaine et parvient à se sortir de l’exercice compliqué du roman épistolaire en rendant cette conversation, ponctuée des billets de blog d’un autre personnage, Zoé Katana, toujours intéressante. Elle donne une vision de ce qu’est devenu notre monde sans langue de bois et avec beaucoup de second degré – il ne manquerait plus que ça on est quand même chez Despentes.
L’héroïne par rapport au crack, c’était comme la littérature par rapport à Twitter – une tout autre histoire.
Pourvu que les quinquagénaires que sont désormais Despentes et Beigbeder parviennent à rester drôles et incisifs après avoir arrêté la drogue et l’alcool – au moins la drogue disons.
P.-S.: J’adore l’oxymore du titre, il résume bien cette relation.
Despentes, Virginie. Cher connard. Grasset, 2022.