C’est ma mère qui avait insisté pour m’appeler Jessie. Elle ne s’était pas dit que ça ferait américaine, ou esthéticienne, ou candidate de télé-réalité. Elle trouvait ça joli. Je suis professeure de mathématiques.
Mathieu Palain nous raconte l’histoire – a priori vraie – de Jessie – son nom a été modifié pour ne pas qu’on la reconnaisse. On sent bien que l’histoire est romancée et il est d’ailleurs écrit “roman” sur la couverture, mais à la fois, comme il le dit lui-même, elle ne peut qu’être vraie – sinon elle serait invraisemblable.
J’aurais été incapable d’inventer son histoire.
On pourrait se dire que la véracité de l’histoire n’a pas d’importance, mais je n’ai pas arrêté de me poser la question – et j’ai trouvé ça assez pénible. J’ai fini par statuer qu’il s’agissait de la vie de Jessie – disons Jenifer dans la vraie vie – racontée par Mathieu Paulin. Je suis persuadé que la vie des gens ordinaires a un fort potentiel romanesque car les hasards et les mécaniques de la vie produisent des résultats difficiles à imaginer – et avec Jessie on est servis. Ce parcours est l’occasion d’aborder des thèmes importants comme la violence qu’exercent les hommes sur les femmes, mais aussi le poids du déterminisme social.
Mathieu Palain fait son travail de romancier, comme dans Ne t’arrête pas de courir son style direct fait merveille, c’est rapide et efficace, mais aussi bien mis en scène. Impossible de poser le livre. Il a un talent indéniable de conteur moderne, mais cette ambiguïté n’a pas cessé de me poser problème jusqu’à la toute fin de l’ouvrage.
Mathieu Palain. Les hommes manquent de courage. L’Iconoclaste, 2024.