TL;DR 🦤

blog [ blɔɡ ] n.m.: Vestige des années 2000 ayant perdu le peu d’intérêt qu’il suscitait depuis l’avènement des réseaux sociaux. Celui-ci est exclusivement consacré à mes lectures 📚.

Mon ami Kim Jong-un

Keum Suk Gendry-Kim réside avec son mari et ses chiens sur une petite île qui se situe à la frontière entre les deux Corées. Elle est très inquiète à cause du risque de conflit entre les deux États voisins et les tirs de missiles provenant réciproques toujours plus fréquents ne sont pas de nature à la rassurer. Cette situation est le point de départ d’un livre dans lequel elle s’intéresse tout particulièrement à la dynastie des dirigeants nord coréens, dont le dernier à être au pouvoir est celui dont le portrait orne la couverture, Kim Jong-un. Alors que les choses soient claires, l’autrice n’est pas son amie – et peut-être encore un peu moins après ce livre –, mais elle s’intéresse à son enfance et aux personnes qui l’ont côtoyé. Il est particulièrement intéressant de parvenir à entrer, ne serait-ce qu’un tout petit peu, dans la vie privée – je ne vais pas parler d’intimité – de cette famille. Il faut dire que la vie au sein de cette dictature est assez méconnue, ma dernière expérience en BD remonte au Pyongyang de Guy Delisle. L’autrice souligne ensuite le paradoxe de ces deux Corées, en un sens le même peuple qui vit de façon diamétralement opposée, comme des jumeaux séparés à la naissance – comme si l’Allemagne n’avait jamais été réunifiée. ...

11 juin 2025 ·  BD

Les particules élémentaires

Les particules élémentaires retrace le destin de deux demi-frères délaissés par leurs parents. L’un, Michel, est un brillant scientifique complètement renfermé sur lui-même, solitaire et introverti. L’autre, Bruno, est un enseignant obsédé par la sexualité et toujours en quête de nouvelles expériences. La sexualité est au coeur de ce livre les recherches de Michel tendent vers une séparation entre la sexualité et la reproduction quand pour son frère, elle a été l’obsession de sa vie. ...

Pucelle

Florence Dupré la Tour raconte son enfance au sein d’une famille catholique bourgeoise. Le récit se polarise rapidement sur l’opposition homme / femme. La domination exercée par les hommes au sein de la société est incarnée par la figure de son père qui est l’archétype du mâle blanc riche qui n’a aucune interaction avec ses enfants et ne se préoccupe de la vie de la famille que pour partir en vacances. Puis la position de la femme soumise qui consacre tout son temps à sa famille. Et enfin celle des petites filles, l’autrice et sa soeur jumelle, qui sont laissée dans l’ignorance de la sexualité et semblent être uniquement destinées à se marier et à procréer à leur tour dans un cycle sans fin. ...

6 juin 2025 ·  BD

Giovanni Falcone

Roberto Saviano revient sur son sujet de prédilection, la Mafia, avec un livre monstre qui tourne autour de la figure emblématique du juge Giovanni Falcone. Au delà du juge, le livre décrit le combat dantesque de la justice contre la Mafia qui a donné lieu au maxi-procès de Palerme lors duquel ont été jugés près de 500 accusés. L’auteur a délaissé la forme journalistique de Gomorra pour celle du roman vrai ou roman non fictionnel qui permet de raconter des évènements à hauteur d’homme. Et les hommes qui ont servi la justice pour lutter contre le crime organisé on fait preuve d’un courage et d’une abnégation hors du commun. Ces hommes se savaient condamnés à force de voir la mort frapper autour d’eux. Et bientôt les bombes ont remplacé les rafales de Kalashnikov. ...

Gomorra

J’ai piqué plusieurs fois du nez à force de lire des noms et des surnoms de mafieux. Je me suis réveillé, j’ai recommencé et puis j’ai finalement abandonné, assez frustré. Frustré parce que le sujet m’intéresse, j’aime beaucoup comprendre ces organisations et la façon dont elles fonctionnent. Ce livre contient énormément d’information, mais il est malheureusement assez indigeste. Sa structure est inexistante et l’écriture est au kilomètre, la combinaison des deux est de nature à décourager les lecteurs les plus tenaces. L’exact opposé d’un autre livre consacré au crime organisé, Tokyo Vice, dans lequel Jake Adelstein, par un subtil mélange entre journalisme et roman noir, parvient à la fois à informer et à divertir. Je ne déconsidère pas pour autant le travail de Roberto Saviano et je vais d’ailleurs lire son dernier livre consacré à celui qui a payé de sa vie la guerre qu’il a livré à la mafia, Giovanni Falcone. ...

Les nuits que l'on choisit

Dans Les nuits que l’on choisit, Élise Costa nous fait vivre son métier de chroniqueuse judiciaire, elle est spécialisée dans les faits-divers. Son métier consiste avant tout à suivre les procès et à en rendre compte dans des articles – qui intéresseront si possible de nombreux lecteurs. C’est une chose, mais c’est sans compter l’impact qu’ont ces affaires sur celle qui les suit. Elle prend en pleine figure le flot d’émotions qui se déverse lors des procès, celles des victimes et de leurs proches, mais aussi celles des accusés et des personnes qui les entourent. Puis parfois le doute s’insinue et si ce n’était pas elle ou lui le coupable ? ...

Dans la forêt

Je suis un peu embêté par ce livre. D’un côté le début est plutôt réussi. Une histoire proche de la nature, l’apprentissage de la frugalité, la vie au rythme des saisons, l’autonomie. Et je me serais bien contenté de cette ambiance nature writing. Mais ce n’est pas le choix de l’auteur qui a décidé de pimenter son récit par des choix parfois surprenant auquel je n’ai pas toujours souscrit. La narration linéaire est liée à l’utilisation du procédé du faux journal intime tenu par l’un des protagonistes de l’histoire. Ce dispositif donne souvent des résultats décevants et c’est le cas ici. L’absence de chapitre qui découle de choix est aussi préjudiciable au rythme du récit. Bref, une déception qui m’incite à proposer des alternatives: ...

Je sors ce soir

Guillaume Dustan est fascinant. Énarque – même promotion que Jean Castex, mais pas tout à fait le même style –, militant pour la cause gay, écrivain trash, trublion des plateaux télé. Il me fait un peu penser – toutes proportions gardées – à l’ancien directeur de Science Po, Richard Descoings, raconté dans Richie. Ce qui fascine chez lui est l’absence de limite, la liberté totale. Lorsque Thomas Clerc a établi une édition des oeuvres de Guillaume Dustan chez P.O.L, je me suis dit que c’était la bonne occasion – les préfaces qu’il signe dans le livre sont d’une très grande qualité. J’ai donc commencé par le commencement, le premier tome de sa trilogie autopornographique inaugurale, Dans ma chambre, mais c’était trop trash pour moi. La sortie de Je sors ce soir au format poche a ravivé mon intérêt pour ce livre. ...

En territoire ennemi

Dans ce récit autobiographique Carole Lobel raconte le mécanisme de l’emprise. Elle revient sur sa relation de jeunesse qui s’est peu à peu transformée pour devenir toxique – et encore, le mot est faible. Pourtant, il y a des signes. Comme si, masqué par le volume sonore de l’orchestre, un tout petit violon se trouve désaccordé. L’autrice qui, si l’on en croit son récit a déjà publié des livres jeunesse, écrit sous pseudonyme – elle a peut-être emprunté le patronyme d’Arnold Lobel puisque lui aussi était dessinateur et auteur jeunesse – et on comprend pourquoi tant ce qu’elle raconte est dur pour elle, mais aussi pour sa famille. La connotation guerrière du titre est tout à fait à propos. ...

12 mai 2025 ·  BD  ♥

Tor

Tor est un tout petit village de montagne situé non loin de la principauté d’Andorre, dans les Pyrénées Catalanes. Souvent dans les petits villages l’ambiance ne correspond pas à l’image de carte postale, les tensions, les fâcheries et les disputes sont monnaie courante et perdurent parfois sur des générations. Mais ici les conflits ont pris une toute autre ampleur puisqu’il y a eu des morts. Une équipe de télévision se rend sur place pour mener l’enquête sur ce sinistre village et se fait happer par son sujet. Elle se retrouve vite à mener une enquête qui n’est pas sans risque. Le livre raconte l’histoire du tournage de ce reportage qui est relativement intéressante. Le bémol est que l’on n’est pas du tout dans le journalisme littéraire, la narration est poussive et même parfois peu claire. ...

Boule de feu

Je ne suis pas contre l’humour absurde ou loufoque. J’ai par exemple bien aimé un livre comme Zone de Crise de Simon Hanselmann et j’ai même trouvé que le Animan d’Anouk Ricard était assez rigolo – le mais va venir. Mais là je n’ai pas vu l’intérêt, il s’agit d’une histoire d’heroic fantasy très basique au second degré. Mais on est loin de Donjon, je n’ai même pas souri une seule fois et je n’ai globalement pas vu l’intérêt – ou je n’ai pas compris la subtilité. La seule chose qui a retenu mon attention est l’utilisation de photographies comme fond, ce n’est pas une mauvaise idée, ça donne un côté roman photo kitsch du plus bel effet. ...

9 mai 2025 ·  BD

La guerre par d'autres moyens

La politique, c’est la guerre continuée par d’autres moyens. C’est à cette citation de Clausewitz que Karine Tuil a emprunté le titre de son dernier livre. Il mêle politique et cinéma post MeToo. Ce sont des sujets qu’elle aborde régulièrement et elle est plutôt à l’aise dans ce domaine. Sur le plan technique, il faut souligner la présence d’une narratrice qui fait partie de l’histoire et qui parle, lorsqu’elle est concernée, à la première personne du singulier. Le roman est prenant, clair et intéressant, elle maîtrise son sujet. Elle fait du roman, difficile donc de lui reprocher que ses livres sont trop romancés. Rien à dire donc, enfin presque, l’histoire est parfois cousue de fil blanc et les personnages stéréotypés, mais ça fait partie du genre et c’est le peut-être le prix à payer pour écrire un roman qui reste facile d’accès. ...

L'accident de chasse

Je classe L’accident de chasse dans le club des très grandes bandes dessinées, je vais en citer quelques-unes pour donner une idée: L’Ascension du Haut Mal, Fun Home, Moi ce que j’aime, c’est les monstres, Asterios Polyp ou bien encore Maus. Pour faire partie de ce panthéon il faut un fond solide allié à une forme remarquable. Le fond est ici une histoire à tiroirs basée sur la vie du père et du fils Rizzo que l’auteur David Carlson a rencontré. L’histoire du père est connectée à celle, moins connue en France qu’aux États-Unis, de Leopold & Loeb que j’avais découvert – il y a très longtemps – en lisant le très bon livre Crime de Meyer Levin. L’auteur nous offre donc également l’occasion de revenir sur ces évènements sous un angle différent. ...

28 avr. 2025 ·  BD  ♥

La Fin de l'homme rouge

Nous avons passé toute notre histoire à survivre, et non à vivre. Ce livre contient tous les malheurs et toutes les horreurs du monde, une boîte de Pandore qui aurait été ouverte à l’est de l’Europe. La lecture est éprouvante – parfois insoutenable –, on a du mal à réaliser, une souffrance d’un tel niveau paraît incroyable, impensable. Pour l’écrire, Svetlana Alexievich a interrogé la population et retranscrit ces entretiens. Le procédé ressemble à celui utilisé par Jean Hatzfeld pour relater les atrocité commises durant le génocide rwandais. C’est passionnant de lire toutes ces voix, ces mémoires qui s’expriment. Le choix des témoins est particulièrement important pour offrir une vision objective. ...

Les hommes manquent de courage

C’est ma mère qui avait insisté pour m’appeler Jessie. Elle ne s’était pas dit que ça ferait américaine, ou esthéticienne, ou candidate de télé-réalité. Elle trouvait ça joli. Je suis professeure de mathématiques. Mathieu Palain nous raconte l’histoire – a priori vraie – de Jessie – son nom a été modifié pour ne pas qu’on la reconnaisse. On sent bien que l’histoire est romancée et il est d’ailleurs écrit “roman” sur la couverture, mais à la fois, comme il le dit lui-même, elle ne peut qu’être vraie – sinon elle serait invraisemblable. ...

Atome 33

L’élément chimique de numéro atomique 33 est l’arsenic. Dans la ville de Rouyn-Noranda une étude réalisée sur une population d’enfants a révélé chez eux un taux d’arsenic bien supérieur à la moyenne. Cette matière est tellement toxique que son nom est devenu synonyme de poison. Il n’a pas fallu longtemps pour désigner la coupable, la fonderie Horne dont les cheminées surplombent la ville. Les habitants s’engagent alors dans un combat du pot de terre contre le pot de fer. ...

Triste tigre

Difficile de parler de ce livre. Neige Sinno raconte les viols répétés quel a subi dans son enfance pendant des années. Son bourreau vivait sous le même toit, il pouvait sévir à tout moment, c’était son beau-père. Même moi, qui ai vu cela de très près, du plus près qu’on puisse le voir et qui me suis interrogée pendant des années sur le sujet, je ne comprends toujours pas. Elle raconte dans le détail, c’est assez difficile à lire, souvent très cru, mais nécessaire pour se rendre compte de l’horreur. Malgré la condamnation on sent encore énormément de colère, elle le dit, il aurait dû se suicider, la prison qui permet de s’acquitter d’une dette n’est pas adaptée, ce type de dette ne se rembourse pas. En plus de tout ce qu’elle a subi dans sa chair, la souffrance psychologique vécue par la petite fille qui ne parle pas de peur de faire exploser sa famille est affreuse. Dans le cas de son beau-père, la volonté de domination et de soumission est au moins aussi présente que la perversité sexuelle – peut-être est-ce souvent le cas ? Elle parle de sa mère, mais pas autant que je m’y attendais, car la mère est dans une position très délicate. C’était l’autre adulte de la famille, celle qui avait choisi d’aller, avec ses enfants, vivre avec cet homme. ...

Idéal

Les intelligences artificielles humanoïdes – les androïdes pour le dire simplement – sont partout sauf sur une petite île du Japon où vit un couple. Le temps ne semble pas avoir eu de prise sur ce refuge, mais il en a eu sur le couple qui y vit. Les années ont passé et l’amour s’est fané. Voilà comment se forment les perles. Elles sont des blessures enveloppées de douceur et de beauté et il en est de même, pour certaines oeuvres. ...

13 avr. 2025 ·  BD

Qui a tué mon père

Pendant toute mon enfance j’ai espéré ton absence. Après le fils, Edouard Louis, dans En finir avec Eddy Bellegueule, le frère dans L’effondrement, la mère dans Combats et métamorphoses d’une femme et Monique s’évade, je demande le père. Le livre est très court et ressemble à une longue lettre que l’auteur adresse à son père suivie d’une sorte de pamphlet politique – il me semble que c’est la première fois qu’il s’aventure sur ce terrain. Cette dernière partie est assez faible et vient conclure son analyse sans appel – d’ailleurs le titre ne comporte pas de points d’interrogation. C’est la fatalité qui a tué son père, une prédétermination, via sa classe sociale, à vivre cette vie et à mourir de cette façon. ...

Le Voyage dans l'Est

J’ai écouté l’interview donné par Christine Angot à la matinale de France Culture pour parler de son dernier livre, La nuit sur commande. Je l’ai trouvée tellement à fleur de peau, tellement écrivaine que j’ai eu envie de la lire – le journaliste Guillaume Erner a même convoqué Duras et Yourcenar. J’avoue que son sujet, l’inceste, m’a toujours tenu à distance de son oeuvre, je n’avais pas vraiment envie de me plonger dans de telles histoires surtout lorsque ce ne sont pas des histoires, mais des faits – quel romancier inventerait une chose pareille. Mais j’avais envie de découvrir l’écrivaine et j’ai choisi Le Voyage dans l’Est. ...