Ici pas de mise en place, on entre tout de suite dans le vif du sujet. Un abordage en plein mer. Le décor, la méditerranée. L’époque, la première guerre mondiale. La cible, une cargaison de fusils. Les protagonistes, on ne sait pas trop. Tout ce que l’on peut dire c’est qu’il y a des turcs, des anglais et des mexicains dans l’affaire. Plutôt étrange non ? Le trafic en pleine mer pas vraiment, car ils étaient légion pendant la Grande Guerre. Mais que font les mexicains si loin de leur terre ?

De prime à bord, les personnages ne sont pas très attachants, il faut dire que le militaire anglais y met particulièrement du sien. Les dessins taillés à la serpe et les traits à l’encre qui parsèment les silhouettes contribuent à cette première impression. Les visages paraissent durs, les émotions on du mal à percer cette carapace – c’est certainement voulu. Par contre, lorsque l’auteur – oui l’auteur car Bruno Le Floc’h signe scénario et dessins – s’attarde sur les paysages c’est du grand art. Il réalise des cases magnifiques, de véritables marines à agrandir et à encadrer. J’ai été surpris par la beauté de ces scènes et par les émotions qu’elles dégagent.

Comme je l’ai lu quelque part, on retrouve un peu de Corto Maltese dans ces dessins – le personnage féminin qui apparaît vers la fin du récit fait beaucoup penser à une création d’Hugo Pratt. Au delà des dessins, la BD en elle même rappelle, par certains aspects, les aventures du célèbre marin. La mer évidemment, un capitaine en second en tenue traditionnelle mais aussi et surtout le côté énigmatique des personnages. Cette impression est notamment présente chez le commandant. Il est en proie à ce qui semble être une grande douleur intérieure et sa personnalité riche et complexe est particulièrement difficile à cerner.

Dans ce premier tome, l’auteur nous convainc et nous appâte en laissant en suspens bien des questions. On ne peut pas donc pas s’empêcher d’être un peu frustré en arrivant à la fin de ce tome. On l’est aussi parce que c’est trop court – c’est toujours le cas lorsque l’on passe un bon moment. Je conseille donc aux lecteurs de prendre le temps d’admirer chaque case et de se laisser bercer par les flots pour profiter pleinement de cette belle aventure en mer.

Je remercie les éditions Dargaud ainsi que Babelio de m’avoir fait parvenir ce livre dans le cadre du programme Masse critique.


Bruno Le Floc’h, Chroniques Outremers #1: Méditerranéenne, Dargaud, 2011, 54 p, Amazon.