Je dois définir un axiome important dès le départ. Je ne connais rien aux Beatles – enfin si, je connais ce que toute personne n’ayant pas vécu loin de la civilisation depuis les années 60 doit décemment connaître. On peut déduire de ce premier axiome deux affirmations 1/ je ne serai pas à même de juger du fond, disons de la véracité des faits et je suis donc obligé de faire une confiance aveugle au scénariste 2/ je vais forcément apprendre plein de choses et ça c’est plutôt une bonne nouvelle.

En partant du premier axiome, je ne connais forcément pas celui qui est surnommé le 5ème Beatles, Brian Epstein. Avant même d’ouvrir ce livre, je me dis qu’aborder l’histoire des Beatles sous cet angle est vraiment une très bonne idée. L’histoire de cet homme atypique sera un contrepoint, une autre facette, certainement plus sombre et plus secrète de la glorieuse histoire des Fab Four. Je ne révèle rien en disant qu’il était homosexuel ce qui, dans l’Angleterre d’alors, n’avait pas du tout la même portée qu’à l’heure actuelle.

Puis, en ouvrant ce livre, je constate que j’ai sous les yeux un travail très soigné tant sur le plan du scénario que sur celui du découpage et du dessin. Ce travail est si bien cadré que je me doute qu’il est l’oeuvre d’américains. Banco, Vivek J. Tiwary s’est chargé du scénario, Andrew C. Robinson du dessin et des couleurs aidé par Kyle Baker. Le découpage est très marqué Comics, je ne le compare pas à du Bendis qui est plus inventif quasi expérimental, mais je dois avouer que j’y ai pensé, je ne saurais dire pourquoi exactement. Et puis il y a quelque chose qui frappe. Au bout d’un certain temps le lecteur se transforme en spectateur. L’introduction en plan large d’un Liverpool de nuit sous la pluie, l’utilisation de plans serrés où l’on voit B. Epstein prendre des cachets à plusieurs reprises – on se doute de ce qui va se passer – ou les yeux de biches de sa secrétaire, rappellent le cinéma. La frontière n’est donc pas si grande entre la BD et le storyboard d’un film. Ce n’est certainement pas un hasard, puisqu’un long-métrage, qui devrait sortir prochainement, est en préparation. Le projet Le cinquième Beatles était dès le départ un projet double, BD / Cinéma.

Très belle réussite que cette vision backstage d’un succès phénoménal. Une extrême solitude du cinquième en coulisse à côté des quatre sur le devant de la scène qui déplaçaient les foules. Un terrible manque d’amour alors que leurs chansons ne parlaient presque que de ça. De biens cruels paradoxes.

Je remercie les éditions Dargaud ainsi que Babelio de m’avoir fait parvenir ce livre dans le cadre du programme Masse critique.


Andrew Robinson, Vivek Tiwary et Kyle Baker, Le Cinquième Beatles, Dargaud, 2013, 128 p, Amazon.