Ce livre de la belle maison d’édition L’Association a connu la célébrité grâce à son adaptation très réussie au cinéma. Persepolis est une autobiographie puisque Marjane Satrapi raconte une partie de sa vie, de son enfance à l’entrée dans l’âge adulte. La particularité de Marjane – si l’on met de côté son caractère bien trempé – est qu’elle a grandi en Iran durant une période pendant laquelle ont eu lieu la révolution et l’instauration du régime islamique, puis la guerre contre l’Irak. Dès l’instauration du régime islamique les choses ont bien changé et les Satrapi devaient se cacher pour vivre en obturant leurs fenêtres à l’aide de rideaux noirs. Voici ce qui était arrivé à l’un de leurs voisins.

Chez eux, ils ont trouvé des disques, des cassettes vidéo, un jeu de carte, un jeu d’échec, enfin tout ce qui était défendu. Il a eu droit à soixante-quinze coups de fouet.

Elle fait partie d’une famille d’intellectuels comprenant des opposants au régime, ce qui fait d’elle et de sa famille des témoins particulièrement perspicaces des transformations radicales qui ont bouleversé leur pays. Le livre porte le nom de l’ancienne capitale de l’empire perse1 certainement en hommage à la grandeur perdue de l’Iran antique.

Ce qui va finir par déboussoler complètement la jeune Marjane est son séjour en Europe (en Autriche). Elle est à cette occasion confrontée à une profonde dichotomie entre ce mode de vie occidental et celui traditionnel de son pays et ce qu’il est devenu récemment. Malgré son caractère affirmé et volontaire, elle ne sait plus trop qui elle est et va traverser une profonde crise identitaire aggravée par un questionnement important sur l’échelle des souffrances. Sa propre souffrance est-elle légitime en comparaison de celles subies par celles et ceux qui sont enfermés, torturés ou tués en Iran.

C’est un témoignage édifiant sur ce qu’est devenu l’Iran, pour le profane comme moi, on a même de la peine à imaginer ce qu’il était lorsque Marjane était enfant. Ce témoignage éclairé a d’autant plus de valeur qu’il est celui d’une jeune femme dont l’émancipation pour laquelle elle a toujours lutté a été rendue particulièrement compliquée dans ce contexte. Enfin, tout cela est raconté par une suite d’anecdotes tour à tour poignantes ou drôles qui nous émeuvent ou nous font sourire. Elle est aussi l’occasion de rencontrer des personnages attachants à commencer par les parents de Marjane et de découvrir leurs efforts pour concilier l’amour qu’ils portent à leur pays, leurs idées progressistes et l’amour et le dévouement qu’ils ont pour leur fille unique. Sans oublier la géniale grand-mère – Marjane sait de qui tenir – dont l’originalité et le caractère n’ont d’égal que son franc-parler.

Oh là là ! Comme tu as grandi ! Tu pourras bientôt attraper les couilles du seigneur !


Satrapi, Marjane. Persepolis. L’Association, 2007.


  1. Persépolis était une capitale de l’empire perse achéménide. Le site se trouve dans la plaine de Marvdasht, au pied de la montagne Kuh-e Rahmat, à environ 75 km au nord-est de la ville de Shiraz, province de Fars, Iran (Wikipédia). ↩︎