L’une des facettes d’Olivier Rolin est d’être ce que l’on appelle communément un écrivain voyageur, il a ainsi publié plusieurs volumes que l’on pourrait ranger dans la catégorie des récits géographiques. Parmi eux, En Russie a attiré mon attention. Olivier Rolin a un tropisme pour ce pays, ou plutôt pour cette vaste région du monde. Voici ce qu’il écrit à ce propos dans la préface à l’édition publiée dix ans après la première parution de son livre.

Je ne suis pas retourné en Russie depuis dix ans, uniquement dans ses marges, les pays Baltes, à l’époque où il s’affranchissaient de sa terrible tutelle: mais je reconnais ici éprouver à l’égard de ce pays une fascination irrémédiable, j’avoue communier avec lui, de loin, sous les deux espèces de l’espace et du temps.

Il n’est donc pas retourné dans ce pays depuis 1987 (il s’agit de la date de parution de la première édition du livre), à une époque où ce pays portait encore le nom de URSS – ou СССР en version originale – et où Saint-Pétersbourg avait été rebaptisé Leningrad en l’honneur de son héros. Alors de quoi est-il question dans ce livre ?

Partant là-bas, j’avais évidemment des idées sur le système soviétique, et je n’étonnerai personne en confessant que ces idées n’étaient guère favorables. […] Mon propos n’était nullement de m’instruire à ce sujet, seulement d’apprendre de mes yeux à quoi ressemblaient les fruits du marché et les marchés eux-mêmes, s’il était possible de boire un demi quand il faisait chaud ou un chocolat quand il faisait froid, si les pêcheurs à la ligne étaient bavards et s’il y avait des amoureux sur les bancs publics, si les gens vous souriaient dans la rue ou bien vous marchaient sur les pieds: bref, tout ce dont je n’avais pas la moindre idée, justement, et qui se trouve d’ailleurs en deçà des idées, du côté de ce qui permet qu’il y ait aussi, d’un pays, un sentiment.

Et je dois dire que c’est plutôt agréable de se promener et de s’attabler avec un compagnon de route aussi intéressant, cultivé et surtout drôle. En se contentant de tourner les pages d’un livre plutôt que d’arpenter les rues à ses côtés on profite moins lorsqu’il s’agit de boire un coup, mais pour le reste cette position est assez confortable. Voici à quoi ressemble ce récit. Il s’agit d’un passage tiré de sa visite de l’une des villes qu’il a, je pense, le plus apprécié, Odessa – ville dont je m’étais déjà fait par le biais d’un autre livre, Klezmer, une image très colorée. Il l’apprécie d’autant plus après une visite plutôt austère de Leningrad.

De larges rues, à gros pavés dodus, bordées d’immeubles ornés, peints, volontiers excessifs dans leur décoration, “prétentieux” diraient ceux qui ignorent la nostalgie, inclinent vers le port. Un air de Gênes ou de Nice. Ici, des restaurants, des cafés presque agréables, des terrasses ! Où l’on peut espérer s’asseoir !

On termine le voyage avec lui presque au terminus du transsibérien – le graal des écrivains voyageurs depuis Cendrars jusqu’à l’initiative1 qui a récemment mis sur ses rails une trentaine d’écrivains français dont Olivier Rolin – sans aller toutefois jusqu’à Vladivostok dont la visite était interdite à l’époque aux occidentaux.

Je partage avec lui une attirance inexpliquée pour ce pays et je lirai avec plaisir une autre de ses pérégrinations au sein de ces terres hostiles, Sibérie2. Je suis curieux d’avoir une autre vision que celle proposée par Sylvain Tesson dans son journal Dans les forêts de Sibérie qui se limitait aux abords du lac Baikal.


Rolin, Olivier. En Russie. Quai Voltaire, 1987.