N’y allons pas par quatre chemins, ce livre est un chef-d’oeuvre. Il ne s’agit pas d’une oeuvre de fiction, c’est une bande dessinée co-construite de façon épistolaire puisque l’un des auteurs, et protagoniste principal, est en prison, dans le couloir de la mort, dans l’attente affreuse de l’application de sa peine.

Bien que Renaldo soit co-auteur de ce livre, seul mon nom figure sur la couverture, à mon grand regret. Aux États-Unis comme en France, la loi empêche une personne condamnée de tirer un profit financier du récit de son crime.

La deuxième protagoniste, sa correspondante, est une jeune dessinatrice, Valentine Cuny-Le Callet, qui démontre ici tout son talent notamment sur le plan graphique, mais pas seulement. Comme les plus grands auteurs, elle parvient à faire passer des émotions complexes au travers de ses dessins. Elle est une artiste complète, il n’y a qu’à voir les cartes à jouer qu’elle fabrique dans le cadre de ses échanges avec Renaldo pour s’en convaincre. Par certains côtés, son expressivité dans les dessins m’a fait penser au travail de David B. lorsqu’il évoquait la maladie de son frère dans un autre chef-d’oeuvre, l’Ascension du Haut Mal. Les deux artistes ont recourt aux mêmes procédés graphiques pour évoquer l’enfermement qu’il soit au sein d’une prison ou dû à une maladie.

Enfin, il y a un côté militant contre la peine de mort, mais aussi contre quelque chose de peut-être moins connu que sont les conditions de détention dans le couloir de la mort. Sans remettre en cause la gravité des crimes commis, ni la nécessité d’une sanction appropriée, le temps d’attente et la privation d’à peu près tout – dont, comme il est souligné dans ce livre, de la moindre brindille de nature – jusqu’à la censure parfois absurde du courrier, en font l’antichambre de l’enfer.

La seule chose qui donne un “ailleurs” à Renaldo, c’est la correspondance qu’il entretient avec sa famille et ses amis. Son vrai lieu de vie est là, dans ces lettres.

Au final, il s’agit d’un témoignage personnel fort et inspiré sur l’univers carcéral si particulier qu’est le couloir de la mort.


Cuny Le-Callet, Valentine. Perpendiculaire au soleil. Delcourt, 2022.