Je classe L’accident de chasse dans le club des très grandes bandes dessinées, je vais en citer quelques-unes pour donner une idée: L’Ascension du Haut Mal, Fun Home, Moi ce que j’aime, c’est les monstres, Asterios Polyp ou bien encore Maus. Pour faire partie de ce panthéon il faut un fond solide allié à une forme remarquable. Le fond est ici une histoire à tiroirs basée sur la vie du père et du fils Rizzo que l’auteur David Carlson a rencontré. L’histoire du père est connectée à celle, moins connue en France qu’aux États-Unis, de Leopold & Loeb que j’avais découvert – il y a très longtemps – en lisant le très bon livre Crime de Meyer Levin. L’auteur nous offre donc également l’occasion de revenir sur ces évènements sous un angle différent.

C’est un panoptique, une idée du philosophe Jeremy Bentham selon laquelle on peut traduire dans l’architecture les structures de pouvoir d’une société. Toutes les cellules sont tournées vers un seul mirador central. Il voulait ainsi que les prisonniers se sentent constamment surveillés.

Sur le plan graphique le travail réalisé par Blair Landis est impressionnant. Mise en page innovante, souci du détail, pouvoir d’évocation, tout est là. L’utilisation du noir et blanc appuie la noirceur de l’histoire.

Comme toute grande oeuvre, elle comporte plusieurs dimensions, la relation père fils, le handicap, l’univers carcéral tout ceci sous le haut patronage de la Divine Comédie – tout un programme. Un gros pavé à posséder dans sa bibliothèque.


David Carlson & Blair Landis. L’accident de chasse, traduit par Julie Sibony. Sonatine, 2020.