Ce qu’il y a de bien avec la science-fiction c’est que l’on découvre l’univers en même temps que l’histoire. En marge de l’intrigue et des personnages, la découverte et la compréhension du monde constituent à eux seuls un plaisir intellectuel. Dans ce domaine, les bons auteurs de SF excellent et trouvent toujours des technologies, des systèmes sociaux ou politiques originaux et intelligents qui poussent le lecteur à la réflexion. Il pense alors à leur transposition possible dans le monde réel ou, plus subtilement, à reconsidérer son univers à l’aune de ces nouveautés.

Arrêtons là ces digressions pour parler de cette BD qui m’a inspiré ce commentaire introductif. L’auteur a su créer un univers particulièrement original – sans l’être trop – et intéressant, le dessin donnant corps et cohérence à l’ensemble. Au fur et à mesure que l’histoire progresse et, au delà de la découverte de l’univers dont nous avons déjà parlé, on découvre des personnages profonds. Loin des stéréotypes de la SF, ils sont complexes et n’ont pas livré l’intégralité de leur caractère dès les premières cases. Ils cachent encore leurs failles et leurs faiblesses. Ajoutez à ceci de l’aventure et de la profondeur dans l’exploration des sentiments et vous obtenez une BD de très grande qualité.

Le tout est servi par un schéma narratif efficace. La BD débute alors que le personnage principal se réveille sans souvenir. C’est en consultant les notes prises dans son carnet qu’il va reconstituer ce qu’il lui est arrivé dans le passé alors que l’histoire continue à évoluer dans le présent. La narration avance donc sur deux plans temporels distincts. Je ne suis pas spécialiste de science-fiction en bande dessinée, mais c’est l’un des tout meilleurs album que j’ai lu. J’ai été séduit par son originalité et sa profondeur sans oublier une mention particulière pour les dessins. Cet album prouve qu’il est possible de concevoir une oeuvre de qualité sans faire de concession à la compréhension. De la très grande BD et la suite arrive.

P.-S.: Je ne suis pas du tout fier de mon article, je pense que mon inspiration est inversement proportionnelle à mon admiration pour les oeuvres dont je parle. Plus j’aime et plus je suis mauvais pour en parler – je dois être tétanisé par le talent des auteurs ou juste mauvais. Vous jugerez donc, grâce à cette indication, que ce livre vaut vraiment le détour.


Frederik Peeters, Aâma tome 1, Gallimard, 2011, 88 p, Amazon.