Ce livre est écrit par un coach agile – n’arrêtez pas la lecture de cet article tout de suite, attendez de lire la suite. Il s’agit d’un ponte dans le domaine Henrick Kniberg. Comme l’indique la mention du titre From the Trenches il n’est pas question de nous abreuver de théories – et de techniques de collage de Post-It, oui ça existe – mais de nous faire vivre de l’intérieur l’organisation et la méthodologie mises en oeuvre dans le cadre d’un gros projet mené, pendant 3 ans, par la police suédoise afin de se doter d’un puissant logiciel qui devrait – on ne sait jamais avec l’informatique – leur permettre d’améliorer le coeur de leur activité – la rédaction des procès verbaux. Le sujet ne fait pas vraiment rêver, mais bon, j’adore ces histoires industrielles, je trouve qu’elles sont toujours riches d’enseignements. Pour les amateurs, je pense à

  • Dreaming in Code qui raconte l’histoire d’un projet open source,
  • The Goal qui est un roman graphique illustrant l’optimisation d’une usine,
  • The Phoenix Project1 qui en est le digne successeur.

Ici, il s’agit avant tout d’un livre technique qui ne met pas en oeuvre les artifices d’un roman, mais qui s’attache à exploiter ce retour d’expérience pour en extraire les recettes méthodologiques qui ont contribuées à son succès.

Au centre de ce dispositif il me semble qu’il y a l’organisation autour du Kanban qui a été particulièrement travaillée pour aboutir à un résultat séduisant qui devrait pouvoir être réutilisé sans peine dans le cadre d’un autre projet informatique. La démarche de mise en oeuvre de la méthode est elle aussi fondamentale. On voit que la méthode a été mise au service du travail à réaliser et non l’inverse. Elle a donc servis de canevas, de base ou de référence – selon comment on souhaite nommer les choses – mais a été en permanence remaniée, corrigée et adaptée pour coller au mieux au besoin du projet et de ses intervenants. Il illustre également d’autres éléments plus classiques comme limiter le travail en cours (WIP pour Work In Progress et le fameux “Stop starting, start finishing”), mais toujours avec une approche plus pragmatique que dogmatique – en évitant toujours d’appliquer la méthodologie uniquement pour l’appliquer. Cette approche pragmatique se retrouve aussi par exemple dans la définition des métriques pour le suivi du projet qui se trouvent réduits à la substantifique moelle – less is more

  • Velocity in features per week: Pas besoin d’être plus précis.
  • Cycle time in weeks per feature: Combien de temps requiert la livraison d’une fonctionnalité.

Il est intéressant d’observer que le temps nécessaire à la fourniture de bout en bout d’une fonctionnalité est souvent 5 à 10 fois le temps nécessaire à sa mise en oeuvre (par exemple si une fonctionnalité requiert 5 jours de travail il faudra de 25 à 50 jours calendaires pour la livrer au client final). Grâce à ces mesures il est donc possible de mettre en évidences les goulets – ou goulots – d’étranglement. Ces mesures sont inspirées de la loi Little faisant partie de la théorie des files d’attentes.

Enfin il prouve que l’agilité ne doit pas faire oublier l’essentiel comme la structuration des équipes ou le respect des différentes phases de développement2. Une lecture éclairante pour soit se familiariser ou soit prendre du recul avec les méthodes agiles en bénéficiant d’un vrai retour d’expérience.


Kniberg, Henrick. Lean from the Trenches. O′Reilly, 2012.


  1. Kim, Gene, et al. The Phoenix Project: A Novel About IT, DevOps, and Helping Your Business Win. Reprint, IT Revolution Press, 2014. ↩︎

  2. Le livre se termine par des rappels méthodologiques concernant les principaux éléments méthodologiques abordés, l’une des plus intéressantes étant le diagramme de cause à effet ou A3 thinking↩︎