Sylvain Tesson dans ce livre qui date de 2004 raconte son parcours qui l’a mené de la Sibérie (Iakoutsk) à l’Inde (Calcutta) en près de neuf mois. Pour cela, il s’est déplacé comme il l’indique “by fair means”, c’est-à-dire principalement à pied, mais aussi à cheval et à vélo en suivant ce qu´il appelle “L’Axe du loup”.

En outre, cet itinéraire me fascine parce qu’il est en rupture avec la direction traditionnelle des mouvements humains dans cette région du monde. Les hordes nomades de la haute Asie se sont en effet déplacées d’est en ouest ou dans le sens inverse, au long des âges, sans quitter les bandes bioclimatiques latitudinales auxquelles elles étaient adaptées […] Il n’y a que le loup, créature en marge du monde, pour ne pas marcher dans la direction ordinaire. Les évadés, qui sont un genre de bête traquée, ont eux aussi emprunté cet axe conduisant du septentrion de l’Eurasie jusqu’aux versants de l’Himalaya, “l’axe du loup” …

Mais pourquoi cette idée ? Sa motivation vient du fait que cet itinéraire aurait été emprunté par des évadés du Goulag pour retrouver leur liberté et raconté par l’un de ces évadés Sławomir Rawicz1 dans son livre À marche forcée2. Comme il le dit, sa motivation n’est pas de prouver la véracité des faits, même s’il montre un certain scepticisme un peu nuancé et volontiers compatissant avec Rawicz, mais de se mesurer à ce défis. Et il faut dire – surtout pour le sédentaire que je suis – que c’est à peine croyable de parvenir seul à effectuer cet itinéraire. Affronter les ours, les russes – et leur manie de porter des toasts à la vodka sans raison et à tout heure de la journée –, le froid, la chaleur, les marais, les insectes et son pire cauchemar – en plus des araignées –, les autorités de certains pays comme la Chine.

L’écriture est parfois un peu grandiloquente, il en fait un peu trop, mais je dirais que ça fait partie du personnage. Et puis ça n’enlève rien au périple qu’il a effectué qui relève de l’exploit.

Dans l’accablement qui m’envahit soudain, l’énergie déserte mon être, la flamme aventureuse s’éteint, soufflée par ce revers et je sens mon âme glisser sur ce versant du désespoir qui la fascine tant par ailleurs et dont je dois l’écarter en permanence. Mon corps a vieilli depuis le mois d’août. Je pleure une ou deux larmes. Sans doute deux. Une pour le dépit, une pour la rage.

Au cours de son voyage, Sylvain Tesson longe le lac Baïkal au bord duquel il reviendra vivre en ermite avant ses 40 ans, il racontera son aventure dans son livre Dans les forêts de Sibérie.


Tesson, Sylvain. L’Axe du loup. Robert Laffont, 2004.


  1. Sławomir Rawicz, né le 1er septembre 1915 à Pinsk [..], mort en Grande-Bretagne le 5 avril 2004, est officier de la cavalerie polonaise pendant la Seconde Guerre mondiale (Wikipédia). ↩︎

  2. Rawicz, Slavomir. A marche forcée : A pied, du Cercle Polaire à l’Himalaya 1941-1942. Traduit par Eric Chédaille, Editions Phébus, 2011. ↩︎