Émilien Long est un économiste récemment couronné par le prix Nobel que l’on classerait à gauche, voire à l’extrême gauche – en gros, une sorte de Thomas Piketty. Son sujet de prédilection, sa spécialité disons, est le travail et, plus particulièrement, le temps de travail. Il a minutieusement étudié son évolution au fil des décennies et a la conviction que 3 heures de travail quotidien serait le bon rythme à adopter. Ce nouveau rythme serait à la fois suffisant pour subvenir à nos besoins, mais nous permettrait surtout de profiter du temps libre restant pour réaliser des activités qui n’auraient pas comme seule utilité d’enrichir le capital. Ce qui pourrait passer pour une douce utopie fait son chemin et l’économiste se retrouve – peut-être un peu malgré lui – à porter ce projet en se présentant à l’élection présidentielle parmi des candidats que l’on reconnait à peine …

On a un candidat d’extrême gauche qui n’en finit plus d’agacer par sa mégalomanie débordante et ses humeurs changeantes … Une candidate d’extrême droite qui …

Cette idée de paresse n’est pas très bien nommée, mais elle n’est pas si bête que ça notamment si l’on considère que nos ancêtres les chasseurs-cueilleurs (fourrageurs) travaillaient beaucoup moins que nous pour se nourrir – je vous renvois à la très bonne BD Sapiens1 pour plus de détail sur le sujet.

La paresse, ce n’est ni la flemme, ni la mollesse, ni la dépression. La paresse, c’est tout autre chose : c’est se construire sa propre vie, son propre rythme, son rapport au temps – ne plus le subir.

Cette même BD nous apprend que c’est avec le début de la sédentarisation, puis, pire encore, la révolution industrielle que les problèmes ont commencé. J’ai d’ailleurs souri lorsque j’ai appris la sortie récente d’un livre très sérieux consacré au travail intitulé Travailler: La grande affaire de l’humanité2, voici ce que confiait dans une interview son auteur, James Suzman, au magasine Lire3.

Donc, travailler signifie dépenser de l’énergie à en capturer. Songez aux jouets: ils supposent des industries très compliquées [et bien souvent un transport polluant] pour fournir à nos enfants une demi-heure de satisfaction. Tout ce que nous consommons aujourd’hui est de cet ordre. Il n’y a donc aucun [sic] paradoxe: la plupart de l’énergie que nous déployons aujourd’hui ne bénéficie plus à quiconque.

Il y a évidemment quelques lieux communs, quelques clichés, mais Hadrien Klent – un pseudonyme – a plutôt bien réussi son roman. J’ai trouvé cette lecture particulièrement d’actualité pour plusieurs raisons – dont l’imminence de l’élection présidentielle en France, mais aussi la pandémie et les débats sur le travail et le télétravail – et plutôt très intéressante. Y aura-t-il une suite, vous le saurez en lisant ce livre.


Klent, Hadrien. Paresse pour tous. Le Tripode, 2021.


  1. Harari, Yuval Noah, et al. Sapiens T1 (BD): La naissance de l’humanité. Albin Michel, 2020. ↩︎

  2. Suzman, James. Travailler: La grande affaire de l’humanité. Traduit par Marie-Anne de Béru, Flammarion, 2021. ↩︎

  3. Entretien de James Suzman dans Lire Magazine Littéraire d’octobre 2021. ↩︎