Je n’avais plus lu José Carlos Somoza depuis la Caverne des idées – ça remonte à quelques années. Même s’il ne fait pas partie d’une collection “noir”, je classe ce roman dans le genre “roman noir” – et là aussi ça faisait longtemps. Somoza aime creuser le sillon d’un sujet complexe et original.

Quand nous mûrissons, nous comprenons enfin que la vérité est un point intermédiaire. C’est comme si nos yeux s’accoutumaient à la vie. Nous comprenons que le jour et la nuit, et peut-être la vie et la mort, ne sont que des degrés d’un même clair-obscur. Nous découvrons que la vérité, la seule qui mérite ce nom, est la pénombre.

Ici, il pousse le concept de l’art et de l’exploitation du corps humain à son paroxysme en imaginant une nouvelle forme d’art. Des humains deviennent des oeuvres d’art (tableaux ou sculptures) vivantes. Ils sont préparés, mis en scène et doivent rester immobiles dans cette position inconfortable pendant des heures pour le plaisir du public. Le concept va même plus loin, mais je vais m’arrêter là. C’est au sein de cet univers d’anticipation, qu’une intrigue va se nouer.

Pour peu que l’on adhère au concept – ce qui a été mon cas –, le livre est tout de suite prenant. Si l’idée paraît saugrenue au départ, elle n’est pas dépourvue d’intérêt tant elle pousse à la réflexion. Je n’en attendait pas moins de cet ancien psychiatre. L’écriture est agréable, précise et de grande qualité. La narration alterne de façon régulière entre plusieurs séquences. Mais ce procédé systématique – je n’aime pas trop cette façon de faire habituellement – n’est pas du tout gênant et même au contraire, il apporte un rythme et créé une attente. Somoza est un auteur qui développe des sujets originaux avec une grande maîtrise et ce livre ne fait pas exception.


Somoza, José Carlos. Clara et la Pénombre. Traduit par Marianne Millon, Actes Sud, 2004.