Oleg

J’avais adoré Aâma, mais apprécié sans plus L’Homme gribouillé de Frederik Peeters. Il y a toutefois une constance, la qualité des dessins et c’est peut-être encore plus vrai ici, dans Oleg. Il revient au noir et blanc comme dans Koma et on n’en apprécie que plus son trait précis et minutieux. Son talent dans le domaine graphique est énorme, difficile de ne pas le reconnaître en lisant cet album. Dans cet album autobiographique – ou autofictionnel – il reprend le thème éculé de l’auteur en panne d’inspiration, mais il en fait quelque chose de très fort. La réussite de cet album tient à la fois au rythme du récit et à la sincérité du propos. L’émotion très peu présente au début émerge peu à peu lorsqu’il dévoile ses sentiments pour sa famille. On voit l’oeuvre se construire sous nos yeux, il partage ses doutes et ses questionnements. J’ai aussi beaucoup aimé sa critique – son dédain – de notre époque où les gens sont scotchés à leur écran. Il réussit à produire une oeuvre brillante sans avoir de réel sujet, c’est peut-être à ça que l’on reconnaît un grand auteur ? ...

6 déc. 2024 ·  BD  ♥

T’zée

Je suis le travail de Brüno depuis ses débuts avec des BD comme Nemo ou Inner City Blues. Son dessin au fil des années a conservé ses caractéristiques que l’on pourrait résumer à un style minimaliste et un peu abstrait avec des personnages qui ont de vraies gueules, pour le dire simplement on sait tout de suite qu’il est l’auteur d’un dessin. Dans cette nouvelle parution, son dessin s’est affiné tout en conservant son style caractéristique, si on ajoute à cela une palette de couleur choisie avec goût, le résultat est splendide. On en prend plein les yeux et on est immédiatement plongé des années en arrière au coeur de l’Afrique. ...

27 nov. 2024 ·  BD  ♥

Testosterror

Bienvenue à Beauf Land. Tous les attributs du mâle alpha de ce début du XXIème siècle sont là. La bagnole, le barbecue, la salle de sport, les magasins de sport, sans oublier évidemment le sacro-saint apéro – le barbecue restant le dernier bastion de la masculinité. Mais, oh malheur, une épidémie aussi contagieuse que le COVID s’attaque aux attributs viril de ces messieurs, une variante des oreillons qui entraîne un éléphantiasis des parties intimes. ...

9 nov. 2024 ·  BD

La Distinction

Je n’ai pas étudié la sociologie à l’école et la découverte de cette BD me le fait regretter. Je connaissais évidemment les classes sociales, et observé attentivement la transformation du transfuge de classe Edouard Louis dans En finir avec Eddy Bellegueule, mais je dois avouer que je n’avais jamais réalisé à quel point nos goûts et nos comportements étaient assujettis à notre appartenance à une classe sociale. La BD se dit librement inspirée du livre éponyme de Pierre Bourdieu et c’est le cas puisque Tiphaine Rivière – dont le prénom donne un indice sur sa classe sociale – développe sa propre histoire qui prend sa source au sein d’une salle de classe d’un lycée, l’un des rares lieux où les élèves de différentes classes sociales se mêlent, travaillent ensemble et tissent des relations avant de rejoindre définitivement à l’âge adulte leur classe sociale de destination. L’exercice est délicat et forcément caricatural, mais le résultat est vraiment convaincant et c’est même surprenant de voir à quel point ces stéréotypes correspondent à la réalité – on pense forcément à des personnes que l’on a croisé ou que l’on côtoie. ...

24 oct. 2024 ·  BD  ♥

Mafalda, mon héroïne

Une BD pour célébrer les 60 ans de Mafalda (première publication en 1964), quelle bonne idée. Je ne connais pas bien le personnage – elle m’évoque surtout les cours d’espagnol au collège –, c’est donc l’occasion de (re)découvrir son univers. Cet hommage est exclusivement rendu par des femmes et ce n’est pas un hasard puisque à l’époque de Quino, son papa, les héroïnes n’étaient pas légion et les autrices encore moins. ...

10 oct. 2024 ·  BD

Shiki

Rosalie Stroesser n’est pas la première à raconter en BD son expérience au Japon, je pense par exemple à Manabé Shima – beaucoup plus riant et léger – ou aux Cahiers japonais – beaucoup plus techniques. Mais ce récit se distingue par un sentiment contrasté qu’elle exprime elle-même très bien dès le début du livre. Comment évoquer cette relation particulière, toute en contradictions, que j’ai développée avec le Japon ? Ce mélange d’attirance et de rejet, cette fascination mêlée d’incompréhension. Et cette constante envie d’y retourner. ...

6 oct. 2024 ·  BD

Powers T1

Un petit revival, ça fait du bien de temps en temps. Cette fois j’ai jeté mon dévolu sur Powers – j’ai une édition Semic qui tombe en lambeaux. C’était l’époque des crossovers entre l’univers des super-héros et celui du polar. Les scénaristes avaient peut-être le désir d’ajouter de la crédibilité et d’encrer leurs histoires d’encapés en ajoutant une bonne dose de flics et c’est pas les références qui manquent puisque ce registre a rempli des étagères de littérature américaines et a donné naissance à des heures et des heures de séries télé. A ce petit jeu, Watchmen a lancé un très gros pavé dans la mare en marquant le territoire et en restant encore aujourd’hui une référence dans le domaine. Mais d’autres auteurs on suivi ce filon. Parmi eux, Brian Michael Bendis sort incontestablement du lot et la série Powers est emblématique de son travail. ...

21 sept. 2024 ·  BD

Le Mystère du monde quantique

Expliquer la physique quantique en bande dessinée, pourquoi pas ! Le défi est intéressant, mais difficile à relever tant le sujet est ardu, abstrait, intangible. Mais c’est justement dans ce domaine que la bande dessinée a une carte à jouer. On peut tout imaginer, tout représenter, ça ne coute pas plus cher et ce n’est pas forcément plus difficile à faire. Tout est à portée de crayon. Ici le partis-pris est d’expliquer cette branche de la physique au travers d’une histoire vécue par un personnage ingénu, une sorte de tintin ratatiné et assez énervant – ce n’est clairement pas le point fort du livre. Dans son périple, accompagné de son fidèle Milou, il va croiser les plus grands théoriciens du domaine: Einstein, Bohr et le fameux Schrödinger resté dans les mémoires grâce à son chat. L’expérience sera ici reprise avec, devinez qui, le chien ! Je ne vais pas dire que j’ai tout compris – ce serait bizarre –, mais les explications sont plutôt claires. Pour les plus motivés ou curieux une notice à la fin de l’ouvrage fournira des explications disons plus académiques. ...

3 sept. 2024 ·  BD

Le secret de la force surhumaine

Ce volume est le troisième opus autobiographique après Fun Home et C’est toi ma maman ? Alison Bechdel a atteint la consécration grâce à cette série et elle revient d’ailleurs sur ce succès ici. Dans ce livre, elle creuse le même sillon, celui de sa vie, mais en braquant la focale sur elle et son étrange passion pour le sport qu’elle pense être liée à sa quête de la force surhumaine. Le livre est découpé en chapitres qui couvrent chaque décennie de son existence, jusqu’à ses soixante ans. Elle revient sur ces périodes de sa vie et s’interroge sur son propre comportement. Le sport est le fil rouge puisqu’il revêt plusieurs sens, il est un marqueur de son état d’esprit du moment. ...

15 août 2024 ·  BD

E.1027

E.1027 n’est pas le nom d’un colorant alimentaire, mais d’une villa située à Roquebrune, non loin de Menton. Elle a été construite entre 1926 et 1929 par Eileen Gray, une architecte et designer irlandaise, et Jean Badovici, un architecte roumain. Deux amis et amants qui combinèrent leurs initiales cryptées pour baptiser la villa, dont le nom sonne comme un rendez-vous secret: E pour Eileen, 10 (la 10ème lettre de l’alphabet) pour le J de Jean, 2 pour le B de Badovici, 7 pour le G de Gray. ...

30 juil. 2024 ·  BD  ♥

Terrarium T1

Yuna Hirasawa nous invite dans un gigantesque urbex1 futuriste au sein d’un monde où les hommes et les robots cohabitent. Ce monde porte le nom d’arcologie – J’ai appris l’existence de ce concept, mêlant architecture et écologie, en lisant la postface de l’auteur2. Structure d’habitation gigantesque dont le cycle de production et de consommation, de ressources comme d’énergie, est complètement autonome, lui permettant de fonctionner sans apport de l’extérieur. Une jeune fille et son frère robot explorent ce monde crépusculaire à la recherche des derniers robots, pour en extraire le noyau dans le but de recomposer une clé et de retrouver leur mère. Cet univers sur le déclin est superbe et, dans ce monde qui s’éteint, les deux protagonistes insuffle de l’humanité. L’intrigue n’est pas palpitante, mais ce manga post-apocalyptique mignon en quatre tomes vaut pour son univers et sa poésie. ...

23 juil. 2024 ·  BD

Histoire de Jérusalem

Vincent Lemire est certainement le plus grand spécialiste français de l’histoire de Jérusalem – il a dirigé le centre de recherche français à Jérusalem pendant 4 ans et a rédigé plusieurs livres consacrés à la ville saine avant celui-ci. Ayant dans ma pile à lire depuis un peu trop longtemps son Jérusalem: Histoire d’une ville-monde des origines à nos jours, j’ai vu la sortie de cette BD comme une opportunité de me plonger dans cette riche histoire de façon plus confortable, en me laissant guider par les personnages et en admirant l’architecture de la ville et ses nombreux lieux saints à différentes époques. ...

27 juin 2024 ·  BD

L'enfance d'Alan

On pourrait dire que ce livre constitue, avec Martha & Alan, un prequel à La guerre d’Alan. Comme son nom l’indique, ce volume s’intéresse à l’enfance d’Alan Ingram Cope et nous plonge donc dans une époque assez lointaine. Dès l’introduction, Emmanuel Guibert touche au sublime. Il nous transporte en Californie dans une suite de plans pris depuis l’intérieur d’une voiture, les couleurs du jour déclinant au fil des pages, pour illustrer un texte à la fois simple et très évocateur. ...

16 juin 2024 ·  BD  ♥

Capital et Idéologie en bande dessinée

Comment s’attaquer à un tel défi, adapter en bande dessinée le pavé de Thomas Piketty, Capital et idéologie ? Cette entreprise semble vouée à l’échec. Mais cette adaptation, comme c’est le cas pour le livre de Yuval Noah Harari, Sapiens est une réussite. Pourtant, le challenge semblait être encore plus relevé car les concepts de l’économie sont abstraits et ne se prêtent guère à la narration. Evidemment Economix a ouvert la voie et – beaucoup – d’autres on suivi depuis, mais quand même. Quel est le secret de cette réussite ? Tout d’abord – comme dans beaucoup de domaines – du travail, je crois savoir que cette adaptation a pris plus de deux années. Ensuite, la bonne trouvaille a été sans conteste d’ajouter une ossature narrative à cet essai pour raconter une histoire et proposer un fil conducteur au lecteur. Cette structure prend la forme de la destinée d’une famille depuis avant la révolution française jusqu’à nos jours. L’arbre généalogique sert de repère et d’index dans le temps, mais permet aussi aux auteurs d’illustrer le poids de l’hérédité et de la transmission du patrimoine dans l’accumulation de la richesse. ...

1 juin 2024 ·  BD  ♥

Frontier

Je suis tombé sous le charme de cet univers et des dessins dès les toutes premières pages – autant dire que la suite de cette note n’est pas objective. Commençons par là, les personnages semblent être tirés d’un jeu vidéo – ils sont trop mignons. Les décors sur les planètes, dans l’espace et surtout dans les différents vaisseaux et autres stations spatiales sont géniaux. Il démontre une inventivité, un bon goût couplé à un souci du détail qui est de l’ordre du perfectionnisme voire de l’obsession. Le résultat est époustouflant, on en prend plein les yeux et on peut s’arrêter de longs moments sur une case pour en apprécier le raffinement. ...

17 mai 2024 ·  BD  ♥

Seek You

On parle volontiers de romans graphiques, on pourrait alors parler ici d’un essai graphique. Kristen Radtke livre une réflexion à la fois personnelle et documentée sur la solitude dans notre monde contemporain. Elle fait habilement l’aller-retour entre ses expériences personnelles et les théories sur le sujet. Les illustrations en lignes claires dans des tons pastels accompagnent merveilleusement le texte. Le constat est toujours le même. L’homme est un animal social qui a besoin des autres – pas seulement au sens matériel – pour vivre de façon épanouie. La solitude – au moins lorsqu’elle est subie – est une souffrance. Tout ceci est parfaitement mis en évidence, illustré et étayé dans cet ouvrage à tel point que l’on se prend à réfléchir à sa propre situation et à celle de ses proches. ...

28 avr. 2024 ·  BD  ♥

It’s Lonely at the Centre of the Earth

Encore une BD plus qu’autobiographique, autocentrée. C’est vrai que l’on pense en ouvrant cette BD à d’autres récits consacrés aux troubles psychologiques comme le récit de sa bipolarité que fit Ellen Forney dans Une case en moins, mais aussi au Nao de Brown pour la finesse des dessins et la fragilité du personnage. Alors quoi de neuf ici ? Un récit de dépression dont souffre l’autrice depuis l’enfance et des efforts faits pour vivre avec. ...

14 avr. 2024 ·  BD

Astra Nova

La science-fiction ne sert pas qu’à se projeter dans le futur pour explorer de nouveaux mondes ou rêver à des avancées technologiques qui pourraient changer le sort de l’humanité. Elle sert aussi, comme c’est le cas ici, à faire évoluer des personnages dans un contexte radicalement différent afin de mettre en exergue les relations humaines – comme l’impact sur celles-ci de vivre confinés dans un vaisseau pendant des mois ou des années. ...

23 mars 2024 ·  BD

Le Nao de Brown

J’ai l’habitude d’être plutôt enthousiaste – ou au moins positif – lorsque je rends compte de mes impressions sur un livre. Mais là, je n’exagère pas en disant que je n’ai pas lu – en une vingtaine d’années – des dizaines de BD de cette qualité – je la mettrais par exemple au même rang qu’Asterios Polyp. Au moins sur le plan graphique c’est indéniable. Souvent la couverture d’une BD donne à voir le meilleur du dessins – l’équivalent de la bande annonce pour un film –, c’est souvent elle qui est à l’origine de l’acte d’achat. Mais ici, paradoxalement, elle n’est pas à la hauteur du reste de l’ouvrage. Les dessins sont magnifiques, d’une élégance rare et délicatement mis en couleur à l’aquarelle. C’est un régal de la première à la dernière page. Le dessin de Glyn Dillon, d’une sensibilité extrême, fait écho à l’histoire qui est elle aussi très raffinée. Celle d’une jeune femme, Nao Brown, qui est à moitié japonaise et à moitié anglaise. Elle souffre de TOC qui rendent sa vie difficile. Cette BD nous fait partager son quotidien. On découvre ses passions, ses amis, sa recherche de l’amour et d’une vie sereine. Il y a aussi un récit enchâssé, lui aussi magnifiquement illustré. ...

4 mars 2024 ·  BD  ♥

Chainsaw Man

Je ne sais pas trop quoi dire à propos de ce manga. D’un côté il se laisse lire – avec un léger plaisir coupable –, de l’autre on est sur une énième déclinaison du chasseur de démons et des hybrides hommes-démons. L’action ne se situe pas, comme dans Demon Slayer, dans le passé, mais dans un futur proche qui frise le post-apocalyptique – je n’ai pas creusé le sujet. Alors on est toujours dans la surenchère de violence mais avec une vraie originalité. Le jeune héros orphelin – l’originalité n’est pas là puisque ce statut ou au moins l’absence de parents est celui de nombreux héros de shonen – ne va pas tarder – après seulement quelques pages – à fusionner avec son chien-démon-tronçonneuse pour se transformer en homme-tronçonneuse à la demande en actionnant simplement une tirette astucieusement disposée sur son torse. ...

19 févr. 2024 ·  BD