L’histoire est toujours la même, celle du hasard, une rencontre. Si banal finalement et pourtant toujours aussi troublant. Comment une telle conjonction d’évènements a pu se produire pour aboutir à ce résultat ?

Ce qui est original dans ce roman ce n’est donc pas l’histoire, j’entends la chaîne des évènements et des actions qui se produisent. Non, ce qui est intéressant, c’est ce qui se passe dans les coulisses, dans la tête des personnages. Christian Gailly nous en ouvre grand les portes et les met au premier plan, sur le devant de la scène. Alors, l’intérêt n’est plus le même car il s’en passe des choses dans la tête des gens. Une idée qui pointe son nez, un remords qui agace, un souvenir qui déboule ou une impression qui tamise de son éclairage unique une scène de la vie quotidienne. Dévoiler cette vie intérieure pour mieux comprendre les raisons, parfois complètement irrationnelles, qui animent les personnages se nomme en littérature courant de conscience. Ce procédé est parfois difficile à suivre mais permet d’appréhender pleinement la complexité de la psychologie des personnages.

L’auteur ne s’est pas arrêté là car le narrateur et le romancier se confondent (le narrateur est romancier) pour nous livrer leurs impressions, les tâtonnements, les insatisfactions, toutes ces choses qui font l’écriture. Le plus troublant dans tout cela est l’enchevêtrement des niveaux d’écriture. Les évènements et les actions sont mêlés aux pensées des personnages qui sont elles-mêmes mêlées aux réflexions du narrateur sur la tournure d’une phrase ou sur l’usage d’un mot.

Une fermeture ça fonctionne très bien à condition de la faire fonctionner dans de bonnes conditions, ça fait deux fois le mot condition et deux fois le verbe fonctionner, à revoir.
Nouvel essai réussi.
Non. Nouvel essai, virgule, réussi.

Un bel exercice de style, servi par une prose agile et inventive, que Christian Gailly a eu le bon goût de rendre bref. Dans le cas contraire, les procédés utilisés et l’écriture auraient pu perdre de leur efficacité sur la durée.


Christian Gailly, Les fleurs, Minuit, coll. « Double », 2012, Amazon.